Histoire Générale de la BD

de la BD des Auteurs

BD Française aujourd'hui

Portrait d'homme. Peinture à l'encaustique sur bois. Portrait du Fayoum, iiie siècle. H. 37,5 cm. Staatliche Antikensammlungen, Munich. Hormis une production massive, produite par de nouveaux acteurs sur le marché de la Bande-Dessinée, je retiendrais deux mouvements qui m'apparaissent fondamentals dans les années 90.
La BD est une oeuvre littéraire aussi valable que le roman et qui permet tous les raffinements. Initié dans les années 70 par la BD alternative américaine et des auteurs italiens, elle prend corps dans les années 90
La BD n'est plus un truc fait par et pour les garçons...

Le roman graphique

Un roman graphique (anglais : graphic novel) désigne généralement une bande dessinée longue, plutôt sérieuse et ambitieuse, destinée à un lectorat adulte, et publiée sous forme d'albums.
L'expression est également utilisée pour des bandes dessinées jeunesse longues, pour caractériser a posteriori des œuvres antérieures qui n'étaient pas rattachées à la bande dessinée, comme les romans en gravures sur bois ou, dans le monde anglophone, pour tout recueil album d'histoires antérieurement parues en comic book.
Apparue dans les années 1960, l'expression a été popularisée à la fin des années 1970 par l'Américain Will Eisner à l'occasion de la sortie d'Un contrat avec Dieu, un long recueil en noir et blanc d'histoires sociales publié directement en album dont les pages mêlaient texte et dessin très librement.
Cette qualification a été reprise par les éditeurs américains qui y ont vu un moyen de parvenir à vendre des bandes dessinées à un public plus large. Au même moment, de nombreux éditeurs francophones ont associé le terme « roman » à des collections de bande dessinée destinées à un public adulte.
Assez floue, l'expression « roman graphique » peut donc désigner selon les cas un type de mise en page, un genre de bande dessinée ou un format de publication. Dans tous les cas, il s'agit d'une expression utilisée pour légitimer la bande dessinée et l'éloigner du caractère infantile associé à sa dénomination courante afin de « séduire un public (et des médias) qui n’avaient pas nécessairement l’habitude de considérer la bande dessinée comme une littérature à part entière ».
L'un des premiers romans graphiques européens est sans doute Fils de Chine de Lécureux et Gillon, prépublié dans Vaillant entre 1950 et 1955.
Mais c'est avec la publication de Barbarella de Jean-Claude Forest (1962-64) en France, et surtout des récits de Hugo Pratt en Italie, notamment La Ballade de la mer salée (1967-1969), que le roman graphique a considérablement participé à la transformation de la bande dessinée en Europe.

En Italie

Outre les récits de Hugo Pratt dont La Ballade de la mer salée (1967-1969), il y a aussi les romans graphiques de Guido Buzzelli, dont La Révolte des ratés, Les Labyrinthes et Zil Zelub, publiés dans Charlie Mensuel entre 1970 et 1972.
Dans les années 1980, les expériences du long récit de (À suivre) et la narration expérimentale des Humanoïdes associés affectent de manière d'autant plus sensible la bande dessinée italienne.
En particulier, sous l'impulsion de magazines innovateurs comme Cannibale et Frigidaire, mais aussi grâce au groupe Valvoline Motorcomics (composé par lgort, Brolli, Giorgio Carpinteri, Marcello Jori, Lorenzo Mattotti et Jerry Kramzky) la forme du roman graphique se propage.
À cette époque paraîtront les romans graphiques Feux (1984) de Lorenzo Mattotti, Baobab (1984) de Igort, Pompeo (Editori del Grifo, 1987) de Andrea Pazienza, Bab El-Mandeb (magazine Corto Maltese, 1986) et Siberia (Corto Maltese, 1987) de Attilio Micheluzzi et Roy Mann avec Tiziano Sclavi (scénario), Un été indien (Corto Maltese, 1983-1985) et El Gaucho (Il Grifo, 1991-1994) de Hugo Pratt et Milo Manara. Après une période de crise dans les années '90, le roman graphique donnera une nouvelle impulsion à la bande dessinée italienne. On pourrait citer 5000 kilomètres par seconde et L’Entrevue de Manuele Fior, ainsi que Ma vie mal dessinée et La Terre des fils de Gipi.

En France

plusieurs éditeurs innovent :
couverture souple, choix du noir et blanc,
formats inhabituels
et affranchissement des normes de pagination habituelles (l'album cartonné d'environ 50 pages).

Casterman publie une collection sous le simple titre « les romans (À suivre) ».
Parmi les autres il faut mentionner Ici Même, un roman graphique en noir et blanc de 163 planches en onze chapitres, scénarisé par Jean-Claude Forest et dessiné par Jacques Tardi, prépublié dans (À SUIVRE) en 1978 et édité chez Casterman en 1979.
Au début des années '90, les éditeurs de bande dessinée indépendante publient des œuvres d'auteurs dans de nouveaux formats:

L'Ascension du Haut Mal de David B.,
Livret de Phamille de Jean-Christophe Menu,
à L'Association; Robert Crumb ou Lewis Trondheim chez Cornelius;
Le Journal de Fabrice Neaud chez Ego comme X, notamment.

Chez d'autres éditeurs, s'ajoutent également d'autres collections innovatrices :

Roman BD chez Dargaud,
Encrage chez Delcourt,
Tohu Bohu aux Humanoïdes associés,
Romans graphiques au Seuil,
Denoël graphique chez Denoël.
D'un graphisme plus radical, certaines de ces créations ne font plus appel à la structure traditionnelle de la bande dessinée (planche divisée en cases contenant des phylactères) et donnent parfois une part plus importante au texte.
Les dernières décennies ont vu l'affirmation du succès de bandes dessinées destinées aux adultes, abordant des thèmes nouveaux (intimistes, biographiques, familiaux, politiques, sociaux) et développant des intrigues complexes et des personnages au comportement parfois ambigu.

Texte © Wikipédia

Des femmes auteures de BD... Le début d'un combat

 Illustration de Pénélope Bagieu. Pendant des décennies il n’y eut pas de femmes dans la bande dessinée francophone.
Puis, en gros, il y en eut une à partir de 1963 :

la grande Claire Bretécher.
Celle-ci resta d’autant plus symbolique qu’elle dépassa très largement le cadre des amateurs (et amatrices) de bande dessinée, sa série la plus célèbre, Les Frustrés, paraissant à partir de 1973 dans les pages du Nouvel Observateur.
Mais elle fut longtemps isolée, parce qu’il n’y avait pas de volonté éditoriale d’accorder une place aux dessinatrices, du fait des vieilles habitudes machistes, du poids des systèmes de représentation et notamment ceux édictés par l’Église jusqu’en 1968 (certains voudraient y revenir…), bref du sexisme plus ou moins conscient mais omniprésent.
Certes, de tout temps il y eut des femmes scénaristes, mais elles exercèrent le plus souvent cachées derrière des pseudonymes asexués, se soumettant ainsi à la manifeste « invisibilisation » des femmes à l’œuvre dans le milieu.
Si une scénariste commença en 1973 une belle carrière sous son nom (Laurence Harlé, créatrice de Jonathan Cartland avec Michel Blanc-Dumont aux pinceaux), la première dessinatrice, hormis Claire Bretécher, à publier régulièrement dans un « journal d’hommes » fut Chantal Montellier, qui se manifesta dès le milieu des années 70 dans la revue Métal Hurlant avec des histoires politico-policières comme Andy Gang (sur les bavures) ou Odile et les Crocodiles (la vengeance d’une femme bafouée).

@ Gilles Ciment (2017)


Ah ! Nana


Ah ! Nana

 Ah ! Nana, Florence Cestac. C’est donc parce qu’il n’y avait visiblement pas d’espace pour l’expression des femmes, que sous la pression insistante de Janic Dionnet et Trina Robbins, une dessinatrice américaine de passage en France, que les Humanoïdes Associés lancèrent en 1976, à côté de Métal Hurlant, le magazine Ah ! Nana.
Inspiré du Wimmen’s Comix américain, il était réalisé par des femmes :
les Françaises Chantal Montellier, Nicole Claveloux, Florence Cestac, Marie-Noëlle Pichard (fille de Georges), Keleck et Aline Issermann, mais aussi l’Américaine Trina Robbins, l’Italienne Cecila Capuana, la Néerlandaise Liz Bilj et bien d’autres.
Teinté de féminisme, il n’était pas non-mixte (on y trouvait un homme invité par numéro, en somme l’inverse de la proportion qui avait cours dans les autres publications) et surtout pas anti-hommes, à une époque où un courant non négligeable du mouvement féministe se revendiquait castrateur.
Hélas, frappé d’interdiction de vente aux mineurs et d’affichage en kiosque pour cause de « pornographie » (dont il était pourtant exempt, quand L’Écho des savanes flirtait avec), condamné à l’invisibilité, il ne put plus se vendre et disparut en 1978 après neuf numéros riches en découvertes passionnantes, dont je fus un lecteur assidu.
Certaines des créatrices qui y furent révélées devinrent illustratrices ou cinéastes, d’autres restèrent en bande dessinée et creusèrent leur sillon, souvent isolées, et les années suivantes virent bien peu de femmes apparaître aux côtés de Chantal Montellier (que Métal Hurlant continuait à publier après la disparition de la revue sœur), Florence Cestac ou Annie Goetzinger. Les efforts de Nicole Claveloux pour continuer à publier de la bande dessinée pour adultes furent vains et elle dut, comme beaucoup de ses consœurs, retourner à la bande dessinée et l’illustration pour enfants, « pré-carré » assigné aux femmes.

@ Gilles Ciment (2017)

Féminisation


XXI siècle et Féminisation

 Persepolis, Marjane Sartrapi. Si d’autres titres, comme la revue (À suivre) publiée par Casterman, publiaient quelques femmes, il fallut attendre le début des années 2000 pour qu’une véritable nouvelle génération voie le jour.
On peut identifier quatre moments importants qui marquèrent ce tournant et favorisèrent une féminisation croissante du métier d’auteur de bande dessinée.
• Le premier fut le Grand Prix de la ville d’Angoulême décerné en 2000 à Florence Cestac, qui reste à ce jour la seule femme ainsi honorée par la manifestation majeure du Neuvième Art.
• Le deuxième fut le triomphe inattendu de Persépolis, l’œuvre autobiographique de l’Iranienne Marjane Satrapi, dont les quatre volumes parurent à L’Association entre 2000 et 2003, et qui a ouvert la voie à la Libanaise Zeina Abirached ou l’Indienne Amruta Patil, pour n’en citer que deux.
• Le troisième facteur fut l’explosion de la lecture de mangas en France, qui entraîna la traduction massive de mangas créés par des femmes pour un public de femmes :
shôjo pour les lectrices adolescentes et josei pour les lectrices adultes (on sait combien le marché japonais du manga est segmenté et cloisonné).
• Le quatrième événement fut, sur le même principe et pour la même motivation que la création de la revue Ah ! Nana vingt-cinq ans plus tôt, le lancement en 2002 de la collection « Traits féminins » aux éditions de L’An 2 dirigées par Thierry Groensteen, qui disait en la créant qu’il espérait bien qu’elle n’aurait bientôt plus de raison d’être (ce qui fut le cas, et elle a donc disparu).
Le temps de son existence, cette collection a publié de nombreuses œuvres de premier plan signées Anne Herbauts, Jeanne Puchol, Johanna, Sandrine Martin…
Parce que les autrices étaient devenues beaucoup plus nombreuses, avaient enfin des espaces de création, étaient entrées dans toutes les maisons d’édition, les petites d’abord, bientôt imitées par les grandes, faisaient des triomphes dans la blogosphère, il y eut des initiatives pour mettre en lumière cette évolution, pour l’accélérer, comme la littérature universitaire ou journalistique sur la création au féminin ou sur la représentation des femmes dans la bande dessinée.

@ Gilles Ciment (2017)

Artémisia


Artémisia

 Illustration de Chantal Montellier. Mais avant tout, ce fut la fondation par Chantal Montellier et Jeanne Puchol de l’association Artémisia et son prix motivé – comme naguère le Prix Femina – par le fait que les prix de bande dessinée ne couronnaient que des hommes, et en ce sens excluaient les femmes des avantages matériels et honorifiques de ce type de trophées.
Artémisia se bat pour promouvoir la place des femmes dans la bande dessinée et par conséquent contre le sexisme et le machisme qui sévissent dans la bande dessinée de 7 à 77 ans, pour que soit mieux éclairées, mieux considérées, mieux valorisées les œuvres des femmes.

L’anaphore de son manifeste fondateur est clair :

« Parce que la création BD au féminin nous semble peu connue et reconnue, peu valorisée et éclairée, quelques arbres surexposés cachant la forêt des talents laissés dans l’ombre ou à l’abandon.
Parce qu’un regard féminin sur la production BD nous paraît essentiel.
Parce que se donner le pouvoir de reconnaître et non pas seulement de produire est un enjeu et un symbole des plus importants pour les femmes qui participent à cette aventure.
Parce que la BD destinée à tous et largement diffusée, reste un média dominé par l’imaginaire masculin, qui véhicule des stéréotypes écrasants.
Parce que les jurys, notamment pour les présélections (voir Angoulême), sont généralement composés des seuls représentants du sexe dit fort.
Parce qu’il n’y a pas de raison pour que seuls la littérature avec son prix Femina, et le cinéma avec son festival de Créteil, aient droit à des espaces de légitimation et de reconnaissance au féminin.

C’est pour toutes ces raisons (et quelques déraisons) que nous avons créé un prix qui distinguera un album scénarisé et/ou dessiné par une ou plusieurs femmes.
Il sera décerné chaque année le 9 janvier, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir, et remis quelques jours plus tard. »

Mais d’où vient le nom d’Artémisia ?

Le destin d’Artemisia Gentileschi, la grande peintresse (on disait ainsi, à l’époque) italienne du XVIIe siècle, symbolise la femme artiste plasticienne dans nos sociétés patriarcales, par-delà les temps et les régimes.
Il a semblé utile aux fondatrices de rattacher ce prix qui honore la bande dessinée féminine, à l’histoire plus large, plus riche et plus explorée de la création graphique au féminin, pour ne pas risquer de s’enfermer elles-mêmes dans leurs propres phylactères. Depuis le premier décerné en 2008, le Prix Artémisia, qui a acquis estime et notoriété, a été attribué successivement à Johanna, Lisa Mandel & Tanxxx, Laureline Mattiussi, Ulli Lust, Claire Braud, Jeanne Puchol, Catel, Barbara Yelin, Sandrine Revel et Céline Wagner.

@ Gilles Ciment (2017)

Le Collectif


Le Collectif des autrices de BD contre le sexisme

 Illustration de Maroh. Vers 1985, on comptait, en France, environ une dessinatrice de bande dessinée pour vingt-cinq dessinateurs.
La proportion d’autrices a triplé en trente ans, pour atteindre environ 12 % de la profession en 2014 (nous verrons plus loin qu’il faut revoir ce chiffre à la hausse).
La présence des femmes reste comparativement très faible, par rapport à la position majoritaire qu’elles occupent dans la littérature de jeunesse (environ deux tiers des auteurs), et même par rapport à la littérature générale, où elles représentent depuis longtemps déjà un quart des gens de lettres.
L’éditeur et historien Thierry Groensteen, qui a beaucoup enseigné, remarque pour sa part que les filles sont désormais majoritaires dans les écoles spécialisées, et fait donc le pari que la bande dessinée va continuer d’attirer à elles un nombre croissant de jeunes femmes. Et c’est tant mieux.
Mais les choses avancent encore trop lentement. C’est pourquoi un très grand nombre d’autrices ont constitué un Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme et ont publié, en 2015, une « charte » du même nom, signée par plus de 200 d’entre elles, c’est-à-dire à peu près toutes les autrices de France et de Navarre, pour enfin passer à la phase suivante, à savoir lutter contre le sexisme ordinaire qui règne dans le milieu.
L’histoire de leur rassemblement a commencé en décembre 2013, lorsque Lisa Mandel contactait trente autrices de bande dessinée pour recueillir toutes les questions qui leur ont été posées « sur le fait d’être une femme dans la bd », et ce dans le but de préparer l’événement parodique « Les hommes et la bd » (depuis culte !) pour le Festival d’Angoulême 2014. L’abondance de réponses et d’anecdotes à caractère sexiste démontrait l’ampleur du malaise. Et la goutte qui fit déborder le vase, c’est quand, au printemps 2015, Julie Maroh fut contactée par le Centre Belge de la Bande Dessinée pour participer à une exposition collective intitulée « La BD des filles ».
La personne chargée du projet en résuma l’esprit en ces termes :
« L’expo “BD des filles” est une expo qui fera le tour de la BD destinée aux filles de 7 à 77 ans.
Ça ira de la BD pour fillettes au roman graphique en passant par les bloggeuses, les BD pour ados, les BD féministes, les BD romantiques pour dames solitaires, les BD pour accros au shopping, j’en passe et des meilleures. » Julie Maroh alerta par courriel 70 autrices de bande dessinée. La consternation fut immédiate et unanime.
Le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme se créa alors, dépassant la barre des cent signataires en quelques jours.
Puis ce fut la rédaction commune d’une charte et la création d’un site internet pour la diffuser.
Comme je l’ai dit, les femmes représentent toujours une petite minorité parmi les auteurs de bande dessinée, et par ailleurs l’écrasante majorité de la production courante véhicule des stéréotypes « masculins », voire carrément machistes, phallocrates et même misogynes (comme dans le jeu vidéo, le rap et quelques autres secteurs très fortement « masculins »). Il est donc assez naturel que des journalistes, souvent en retard sur un secteur qu’ils connaissent mal, demandent encore « Qu’est-ce que ça vous fait d’être une femme dans la bande dessinée ? » (sous-entendu : cette production pleine de bombasses dessinées par des mecs), comme ils demandent encore aux hommes qui ont pour profession « sage-femme » ce que ça leur fait d’être un homme dans un milieu professionnel historiquement et encore quasi exclusivement féminin.
Cela s’explique donc, mais c’est devenu insupportable pour les 228 signataires de la Charte, qui réclament notamment qu’on en finisse avec le pseudo-genre de « bande dessinée féminine », la notion de « sensibilité féminine » et l’appellation « girly ».
Elles attendent surtout des professionnels de la filière qu’ils prennent la pleine mesure de leur responsabilité morale dans la diffusion de supports narratifs à caractère sexiste et en général discriminatoire.
Leur texte révélant quelques contradictions ou ambiguïtés, il fut l’objet de discussions houleuses sur Internet, entre gens globalement d’accord, ce qui est toujours amusant. Et puis vint l’affaire d’Angoulême.

@ Gilles Ciment (2017)

Angoulême


L'affaire Angoulême en 2016

Vers un scandale

 Illustration de Dalaine. Le 15 décembre 2015, les organisateurs du Festival d’Angoulême présentaient le programme de l’édition 2016 et dévoilaient la sélection officielle des ouvrages en compétition pour les Fauves 2016.
Tous les ans, mais sans doute chaque année davantage que la précédente, cette sélection fait débat, déclenche des controverses, voire des polémiques.
Cette sélection réunit 62 titres en tout, qui se répartissent en plusieurs catégories, certaines s’incluant, d’autres séparées, les unes jugées par le Grand Jury, d’autres par différents jurys – le tout étant présenté dans le dossier de presse du festival en un tableau qui laisse perplexe.
Le Grand Jury sera présidé en 2016 par Antonin Baudry (le scénariste de Quai d’Orsay sous le pseudonyme d’Abel Lanzac), entouré de Laurent Binet, écrivain, Nicole Brenez, professeur de langage des images, Philippe Collin, journaliste, Véronique Giuge, libraire, Hamé, musicien et réalisateur, et l’Américain Matt Madden, seul auteur de bande dessinée de cet aréopage !
Dans les grands festivals compétitifs, à Cannes par exemple, les critiques portent généralement sur le palmarès. À Angoulême, c’est plutôt la sélection officielle qui fait débat au sein de la profession et sur les réseaux sociaux. Les reproches qui lui sont faits sont de diverses natures, dans des débats où la subjectivité le dispute parfois à la mauvaise foi, mais où beaucoup de reproches reposent aussi sur des réalités incontestables :
l’élitisme, l’oubli de titres essentiels
ou au contraire un côté « catalogue d’incontournables »,
un prix du public détourné par son imposant sponsor…
Un autre reproche, curieusement moins formulé, aura pourtant un bel avenir dans les semaines suivantes :
le sexisme.
En effet, sur les 82 auteurs figurant en couverture des 62 albums de la sélection officielle 2016, ne figurent que 16 femmes (Zeina Abirached, Mai-Li Bernard, Marine Blandin, Caroline Delabie, Marion Duclos, Edith, Marion Festraëts, Anneli Furmark, Nicole J. Georges, Marion Montaigne, Delphine Panique, Teresa Radice, Fiona Staples, Noelle Stevenson, Gwendolyn Willow, Isabelle Merlet).
C’est peu dans l’absolu, toutefois on peut estimer que cette proportion de 20% est proche de la part des femmes parmi les auteurs de bande dessinée.
Mais le reproche qui fut adressé au festival par le décidément très actif Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme porta plutôt sur le manque flagrant de parité dans la composition des instances de décision que sont le Comité de sélection et le Grand Jury.
Après avoir constaté que
« de plus en plus de femmes publient de la bande dessinée, mais encore davantage de femmes font de la bande dessinée leur métier et/ou leur passion : éditrices, libraires, universitaires, bibliothécaires, journalistes, enseignantes, critiques, chargées à la culture, attachées de presse, lectrices ! », le Collectif déplorait que, malgré « la présence d’autant d’hommes et de femmes circulant sous les chapiteaux du FIBD il n’en est rien pour les jurys de sélection (…).
Sur les douze dernières années, le jury qui remet les prix n’est constitué en moyenne que de 23,8% de femmes, proportion qui tombe à seulement 14% dans le comité de sélection ! ».
Devant cet enjeu important, le Collectif demandait aux organisateurs du Festival d’Angoulême d’appliquer la parité dès l’année prochaine, et proclamait :
« Il n’y a aucune raison de ne pas le faire. Qui a peur de la parité ? »
À l’heure où les festivals comme les organismes publics, dans leurs commissions et jurys, appliquent désormais une parité d’ailleurs exigée par les textes, le Festival d’Angoulême s’honorerait à ne pas rester l’un des derniers bastions d’un sexisme d’arrière-garde.
Pourtant, le rapport du Collectif a beau être éloquent, il ne reçoit aucune réponse de la part du prestataire chargé de l’organisation de la manifestation.
Silence radio. On aurait pu penser qu’être interpelé ainsi par un Collectif regroupant la quasi-totalité des créatrices de bande dessinée de l’aire francophone européenne, aurait tout de même éveillé l’attention des organisateurs de la principale manifestation française du secteur, surtout quand on sait que la deuxième personnalité de l’équipe du festival n’est autre que la présidente des Chiennes de garde, cette association féministe très combative :
Marie-Noëlle Bas, véritable bras droit du délégué général Franck Bondoux, est alors notamment en charge de la programmation du festival !
La réponse  Illustration de Florence Cestac. Pour toute réponse, les organisateurs du Festival d’Angoulême n’ont rien trouvé de mieux que d’annoncer, le 5 janvier 2016, la liste des nominations pour le prestigieux Grand Prix de la Ville d’Angoulême, qui couronne chaque année un artiste pour son œuvre. Cette année, la liste de trente noms soumis aux suffrages de la communauté des auteurs comptait 30 hommes et… pas une femme !
Aucune femme ne semblait mériter cette distinction aux yeux de l’organisateur du festival.
Ce sont d’abord des dessinatrices qui s’en sont émues le jour même sur les réseaux sociaux.
Lisa Mandel la première :
« 30 nominés pour le grand prix au festival d’Angoulême, pas une meuf. Attends Dude, c’est normal, en étant tout à fait objectif aucune auteure ne vaut vraiment le coup pour un Grand Prix, attends, même pas en nomination… Vazy trouves-en une, une seule… Voyons voir… mmm… Claire Bretécher ? Ah nan mais elle c’est pas la peine, elle a déjà eu un prix y a longtemps là, un lot de consolation (en 1983, Claire Bretécher reçoit un « Prix du dixième anniversaire » parallèlement au Grand Prix attribué à Jean-Claude Forest).
Putain les mecs ? Vraiment ? Mais qui fait la sélection, bordel ? Pourquoi personne ne voit où est le problème ? » Puis le Collectif des créatrices contre le sexisme publia un communiqué scandalisé sur son site, pour s’élever « contre cette discrimination évidente, cette négation totale de [leur] représentativité dans un médium qui compte de plus en plus de femmes. » En conclusion, les femmes du Collectif déclaraient qu’elles ne voteraient pas et en appelaient au boycott du Grand Prix 2016.
« Boycott », le mot était lâché. Les réseaux sociaux commencèrent à s’agiter, la colère grondait.
Et puis, dans l’après-midi de ce 5 janvier, Riad Sattouf qui était cette année-là en compétition pour les Fauves avec le tome 2 de L’Arabe du futur mais aussi dans la liste des 30 nommés pour le Grand Prix, publia un billet sur Facebook qui allait emballer la machine médiatique :
« J’ai découvert que j’étais dans la liste des nominés au grand prix du festival d’Angoulême de cette année.
Cela m’a fait très plaisir ! Mais, il se trouve que cette liste ne comprend que des hommes.
Cela me gêne, car il y a beaucoup de grandes artistes qui mériteraient d’y être.
Je préfère donc céder ma place à, par exemple, Rumiko Takahashi, Julie Doucet, Anouk Ricard, Marjane Satrapi, Catherine Meurisse (je vais pas faire la liste de tous les gens que j’aime bien, hein !)…
Je demande ainsi à être retiré de cette liste, en espérant toutefois pouvoir la réintégrer le jour où elle sera plus paritaire ! Merci ! »
L’information fut reprise dans les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias qui pressentaient l’inévitable effet boule-de-neige qu’allait entraîner cette noble initiative.
Et en effet, en vingt-quatre heures, dix auteurs, soit un tiers de la liste, firent défection : Christophe Blain, François Bourgeon, Pierre Christin, Étienne Davodeau, Joann Sfar, mais aussi les Américains Charles Burns, Daniel Clowes et Chris Ware, et même Milo Manara demandèrent à ne plus figurer parmi les nominations pour le Grand Prix !
La presse s’emballait chaque fois un peu plus. Et Franck Bondoux fut obligé de répondre.
On imagine qu’alors la très communicante Marie-Noëlle Bas devait être sur le pont, surtout quand on sait que la liste en question émanait du comité de programmation placé sous son autorité…
Et pourtant, ça coinça.
Parce que les éléments de réponse, apportés en vrac dans une communication de crise très mal gérée, se succédèrent et virent le responsable du festival s’enfoncer chaque jour davantage sans jamais que l’erreur fût reconnue (faute avouée aurait pourtant été à moitié pardonnée), sans non plus que des excuses fussent formulées.
On se rendit même compte, petit à petit, que la misogynie de la sélection était parfaitement assumée par Franck Bondoux, qui déclarait partout « Le Festival d’Angoulême aime les femmes mais ne peut pas refaire l’Histoire (de la bande dessinée) », laissant entendre que ce n’était pas sa faute si les femmes ont été non seulement moins nombreuses que les hommes, mais aussi moins talentueuses.
Un instant de télévision fit même très mal.
 Photo de Franck Bondoux. Franck Bondoux, invité sur le plateau du Grand Journal de Canal+, déclara :
« Le Grand Prix, c’est un prix qui récompense un auteur de bande dessiné — ou une auteure… pourquoi pas — pour l’ensemble de son œuvre.
Clairement, sans les vexer, les derniers lauréats, c’est Willem, c’est Bill Watterson, c’est Otomo, donc des auteurs qui ont un certain âge, une œuvre, aussi.
Et la vérité nous oblige à dire que quand on remonte dans l’histoire de la bande dessinée, par exemple dans les publications que nous connaissons tous, Tintin, Spirou, Pilote, (A suivre), Pif gadget, il y a très, très, très peu de femmes et qu’elles se comptaient sur les doigts d’une main.
Il ne faut pas qu’on fasse dans l’art de la discrimination positive, qui n’a pas lieu d’être.
C’est-à-dire qu’on ne va pas mettre des femmes pour le fait de mettre des femmes.
Ce ne serait pas bien, si elles étaient lauréates. » Ce « pourquoi pas » un brin condescendant était prononcé par un Franck Bondoux levant les yeux au ciel.
La vidéo fit le tour du Net, et si cette mimique et ces mots furent épinglés par beaucoup, les arguments furent tous discutés et battus en brèche par les auteurs, hommes ou femmes d’ailleurs.
Florence Cestac, seule femme à avoir reçu le Grand Prix en 43 ans de festival, répondit à une journaliste du JDD qui l’interrogeait sur les réponses de Franck Bondoux :
« Le directeur du festival d’Angoulême est un crétin total ».
Propos que reprirent aussitôt d’autres journaux, à commencer par Le Figaro qui en fit un titre, et qui furent traduits dans la presse du monde entier :
« Franck Bondoux is a total moron » écrivirent notamment d’innombrables médias américains, qui s’intéressaient curieusement beaucoup au sujet.
Et ce qui se dégageait le plus aux yeux des commentateurs, c’était sa réponse à un chroniqueur qui lui faisait remarquer qu’Étienne Davodeau, présent dans la liste, n’avait rien à envier à l’immense Posy Simmonds :
« Le Grand Prix est attribué par le vote des auteurs, par les confrères et les consœurs.
C’est le cas depuis deux ans.
Et le festival a introduit dans cette liste Marjane Satrapi et Posy Simmonds (…).
Et en fait elles n’ont pas recueilli de votes de la part de leurs confrères. »
Quand la muflerie vient s’ajouter au sexisme…
Ensuite, devant la bronca des auteurs, le festival annonça qu’il allait « injecter » quelques noms de femmes dans sa liste, sans retirer d’homme, se montrant ainsi plus prévenant avec le « sexe fort » qu’il ne l’avait été avec le « beau sexe ».
Une liste de six noms fut même mise en ligne par le festival.
Le temps que quelques autrices déclarent ne certainement pas vouloir figurer sur cette liste dans ces conditions, les noms furent retirés aussi sec du site du festival.
Puis celui-ci annonça qu’il n’y aurait aucune liste du tout :
les auteurs n’auraient qu’à se débrouiller. Il appela cela un « vote libre » et parla de « franchissement d’une étape ultime dans la démocratisation de la désignation du Grand Prix, après les réformes de 2013 et 2014. »
Un bel exemple de langue de bois (et même de novlangue) pour parler de la troisième modification, en quatre ans, du mode de désignation des Grands Prix, marque certaine d’une improvisation peu professionnelle.
Mais revenons aux arguments avancés pour justifier la fameuse liste, ou quand les justifications fallacieuses, déformation des faits, mensonges, manipulation des chiffres, le disputent à la négation même de toute importance de la création au féminin.
Le gros mensonge d’abord : Franck Bondoux déclara, sur BFM TV, que « le festival a invité officieusement le Collectif des créatrices à dresser la liste de femmes susceptibles d’être éligibles au Grand Prix. » et ajouta :
« Dans les suggestions, je n’ai pas vu la liste de 5 ou 10 noms incontournables ».
Le Collectif a aussitôt dénoncé « un mensonge éhonté » et démontré, copie de courriel à l’appui, qu’elles avaient au contraire refusé de se livrer à ce petit jeu dans lequel voulait les entraîner Franck Bondoux :
 Illustration de Cornette. « Il n’est pas de notre ressort d’établir une telle liste pour plusieurs raisons. Déjà, il serait trop facile à nos détracteurs de retourner contre nous le fait de proposer des autrices ayant adhéré à notre Collectif en réduisant notre propos à une croisade personnelle alors que nos intentions sont bien plus vastes.
Mais il serait aussi totalement idiot de nous priver de les citer sous prétexte qu’elles en font partie.
Ensuite et surtout, notre Collectif vise à une conscientisation de notre milieu.
La démarche aurait donc infiniment plus de sens si c’était le comité chargé de créer cette liste qui prenait ses responsabilités en intégrant à cette liste les autrices qui y ont légitimement leur place.
Les membres de ce comité sont suffisamment cultivés en bande dessinée pour les connaître et n’ont certainement pas besoin de nous pour leur donner les noms des grandes oubliées de ces présélections. »
Le petit mensonge ensuite, qui lui fit dire que le festival avait déjà décerné deux Grand Prix à des femmes, Florence Cestac et Claire Bretécher.
Il se fit contredire sur le plateau du Grand Journal par un chroniqueur qui avait potassé son sujet et lui rappela que Claire Bretécher n’a reçu qu’un prix du 10e anniversaire en 1983, année où le fameux Grand Prix couronnait Jean-Claude Forest.
À ce jour, en 43 ans de festival, Florence Cestac est bien la seule, et c’était en 2000 ! Ça n’empêcha pas Franck Bondoux de répéter quelques jours plus tard cette interprétation avantageuse dans une tribune publiée dans Le Monde.
La mauvaise foi :
pour contourner l’argument Bretécher, il déclara que le règlement (qu’il se garda bien de produire) empêchait un prix anniversaire de concourir au Grand Prix.
Or Joann Sfar, Prix du trentenaire en 2003, figurait bien dans la liste 100% masculine.
L’argument fallacieux :
pour justifier le fait que Marjane Satrapi soit passée à la trappe, Franck Bondoux avança qu’elle avait déclaré qu’elle quittait la BD pour le cinéma. Or Bill Watterson, qui a reçut le Grand Prix en 2014, avait déclaré en 1995 qu’il arrêtait la bande dessinée, et qu’il n’y est en effet jamais revenu.
Le faux argument :
« En cherchant bien », dit le délégué général du festival, on trouverait bien quelques noms, mais pas la parité, car ce serait fausser la réalité.
Or personne n’a jamais demandé la parité dans cette liste, seulement de la mixité et une juste représentation des femmes (ce qui pourrait, arithmétiquement, représenter entre cinq et huit noms sur trente, parmi lesquels on aurait bien évidemment trouvé celui de Chantal Montellier, dont le rôle et l’influence dépasse très largement son seul statut de « pionnière » de la bande dessinée au féminin, ou celui de Posy Simmonds, par exemple).
La récupération :
pour montrer à quel point le festival s’est attaché à valoriser le travail des créatrices, il cita à l’envi Julie Maroh. D’abord au Grand Journal, pour dire que c’était grâce au festival d’Angoulême que La Vie d’Adèle avait reçu la Palme d’or à Cannes, ce qui est assez comique. Puis, dans sa tribune du Monde, pour parler du « Prix attribué par le festival à son album Le bleu est une couleur chaude », alors qu’il s’agissait précisément du prix du… public !
La manipulation des chiffres :
selon Franck Bondoux, dix livres sur 40 sélectionnés étaient des livres de femmes, soit 25%.
Or la Sélection officielle, qui comprend aussi les albums Jeunesse, les livres du Patrimoine et les Polars, comptait en tout 62 ouvrages, totalisant 82 auteurs.
Sur ces 82 auteurs, 16 étaient des femmes, soit une proportion d’un peu moins de 20%.
Je ne vois pas comment compter autrement qu’en nombre de femmes par rapport au nombre d’hommes.
Pourquoi tricher sur ce point, alors que 20% est déjà une belle proportion ?
La goujaterie :
alors que ses propos sur l’éviction de Marjane Satrapi et Posy Simmonds ont fait hurler à la muflerie, Franck Bondoux y revint dans sa tribune du Monde quelques jours plus tard, en insistant :
« Marjane Satrapi et Posy Simmonds n’ont recueilli chacune que… quelques voix » (les points de suspension sont de lui).
La minimisation :
dans sa tribune du Monde qu’il prétendit être un « mea culpa », il ne reconnut qu’une « erreur symbolique », laquelle aurait été montée en épingle par des médias qui mentent ou se trompent.
Le révisionnisme et l’ignorance :
le Grand Prix ne pourrait aller qu’à un auteur ayant une longue carrière derrière lui, une grande œuvre de plusieurs décennies, ce qui expliquerait qu’on ne trouve aucune femme, puisque la féminisation de la profession est un phénomène récent.
Or quand Zep reçu le Grand Prix, en 2004, il n’avait publié que quelques volumes d’une œuvre unique :
Titeuf, apparu en 1992.
Quant à Riad Sattouf, nommé pour 2016, il n’avait pas, à 37 ans, une carrière beaucoup plus longue que celle de Zep douze ans auparavant.
Pour ce qui est de trouver des femmes ayant une carrière de plusieurs décennies et méritant tout autant que les hommes nommés de figurer parmi les nominations, plusieurs journaux se sont amusés à en dresser des listes à l’attention de l’équipe du festival.
Ironie du calendrier, on annonçait alors qu’une grande exposition ouvrirait quelques semaines plus tard à Londres, consacrée à 100 femmes majeures de la bande dessinée (Comix Crearix: 100 Women Making Comics, à la House of Illustration).
Toutes ces listes démontraient en tout cas une chose certaine sur Franck Bondoux :
une méconnaissance, pour ne pas dire une ignorance profonde, de l’histoire du Neuvième Art.
Et c’est bien là le plus grave.
Franck Bondoux, qui vient du sponsoring sportif et est entré au FIBD par la recherche de partenariats, s’est proclamé « délégué général ».
Or c’est une fonction qui réclame un savoir et des compétences que, visiblement, il n’a pas.
En Suisse, le quotidien Le Temps a relaté en détail toute la polémique autour de « la liste Bondoux ». L’éloignement géographique aidant, le journal helvète n’hésita pas à mettre les pieds dans le plat en affirmant que « c’est tout le système de la manifestation angoumoisine qui est visé : sa gérontocratie, sa ringardise, son snobisme, sa méconnaissance des nouvelles tendances dans le 9e art. »
C’est aussi un problème majeur pour Angoulême, les pouvoirs publics, toute la profession, les partenaires et financeurs.
En effet, chaque année voit son lot de polémiques ou de scandales, et cela semble s’accélérer.
Je ne rappellerai pas les guerres incessantes avec les acteurs locaux, notamment le CNBDI devenu Cité de la bande dessinée, victime d’un véritable harcèlement ; le cafouillage, déjà, autour de l’académie des Grand Prix puis du mode d’attribution du Grand Prix ; les polémiques sur l’opacité des comptes et notamment de la gestion des financements des sponsors ; les polémiques récurrentes sur la crédibilité des chiffres de fréquentation ; le scandale des marques du festival subrepticement déposées par Franck Bondoux au nom de sa société 9eArt+, alors qu’il n’est qu’un prestataire conventionné pour assurer l’organisation d’une manifestation dont il n’est nullement propriétaire (il a rendu les marques après une grosse colère du maire d’Angoulême) ; la reconduction tacite de la convention lui confiant l’organisation du festival, par la grâce d’un vice de forme opportun, alors que l’ensemble des financeurs publics avaient demandé une dénonciation de la première convention pour lancer une mise en concurrence ou au moins une renégociation des conditions et la rédaction d’un cahier des charges.
Toutes ces affaires concernent, rappelons-le, une manifestation qui reçoit plus de deux millions d’euros d’argent public, sans compter les contributions et apports en nature des diverses institutions publiques locales. Et une manifestation qui est la vitrine de toute une profession, d’une filière majeure du livre, dont l’image se dégrade considérablement à chaque nouvelle affaire.

Le prix Artémisia 2016, comme une parenthèse

C’est dans ce contexte qu’est proclamé, le 9 janvier (comme chaque année, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir), le neuvième Prix Artémisia. Le prix 2016 est décerné à l’album Glenn Gould, une vie à contretemps de Sandrine Revel (paru aux éditions Dargaud), une œuvre splendide qu’il fallait d’autant plus saluer que la sélection officielle du Festival d’Angoulême, précisément, était passée à côté ! La vie du pianiste mondialement connu notamment pour ses enregistrements des variations Goldberg, au début de sa carrière en 1955 puis en 1981 peu avant sa disparition, fait dans l’album de Sandrine Revel l’objet d’une biographie non chronologique, non linéaire, mais construite comme des variations musicales, avec reprises de thèmes, motifs répétitifs, contrepoints… Comme si la main droite jouait une ligne mélodique correspondant à un moment fort tel que l’enregistrement des variations Goldberg de 1981 tandis que la gauche jouait un motif correspondant à l’enfance et ses événements fondateurs, puis passait par-dessus la droite pour jouer dans les aigus la mort prématurée de l’artiste.
L’autrice, en dessinant jusqu’à l’ivresse le pianiste à son clavier et d’innombrables plans de ses mains en pleine action, parvient à transmettre une part des émotions musicales que nous avons tous ressenties à l’écoute de Glenn Gould.
Poétique et onirique avec ses images de manchots sur la banquise ou de pianiste à tête de chien, le livre regorge aussi de petites histoires et d’anecdotes sur les fantaisies d’un artiste hors normes, sa façon de se tenir, sa chaise trafiquée, ses gémissements incontrôlés qui s’entendent sur les enregistrements…
Autant que la structure musicale des variations, le récit adopte la structure labyrinthique de séances de psychanalyse pour nous dévoiler une part de la psychologie de l’interprète, de sa nature intime, en passant parfois par des séries de natures mortes sur les objets du quotidien qui entourent son personnage.
Le dessin est tracé d’un trait qui caresse le papier comme les doigts du pianiste effleurent le clavier, dans un réalisme tout en rondeur et en douceur qui fait parfois penser à ces planches de La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert où le piano joue aussi un rôle majeur.
Quant à la gamme chromatique des couleurs, elle est très particulière, presque exclusivement composée de couleurs froides et délavées, bleu, vert, vieux rose, gris perle…
couleurs de la dépression qui gagne progressivement cet artiste inquiet, asocial et hypocondriaque. Une belle réussite, d’une grande sensibilité (que je n’ose qualifier de féminine), cet album comblera les mélomanes et les amateurs de bande dessinée exigeante.
Du fait des polémiques autour du Festival d’Angoulême, de nombreux journalistes se sont tournés vers Artémisia (et sa fondatrice qui en vit sans doute défiler davantage en une semaine qu’en quarante-cinq ans de carrière…) pour recueillir l’avis des membres du jury et sa fondatrice qui en vit défiler plus en une seule semaine qu’en quarante-cinq ans de carrière dans la bande dessinée…
L’album de Sandrine Revel a, par ricochet, bénéficié d’une couverture médiatique inespérée.

Pendant Angoulême

Puis vint le festival. On se dit que l’envie de fête aidant, les organisateurs ayant plus ou moins fait leur aggiornamento, les choses allaient rentrer dans l’ordre. Hélas, dès la cérémonie d’ouverture, l’agacement était au rendez-vous avec les propos prononcés par Franck Bondoux, qui n’a pas pu s’empêcher de se justifier de l’accusation de sexisme :  Illustration de James. « Les femmes sont présentes.
Elles sont présentes dans la sélection officielle.
Elles sont dix.
Et on espère qu’elles seront primées.
Pas parce qu’elles sont femmes, mais pour leur talent.
Puisqu’il semble qu’elles ont du talent. »
« Il semble » ! L’inconscient est fascinant quand il se manifeste ainsi…
Du sexisme, il fut ensuite question tout au long du festival.
Le jeudi, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, décorait des Arts et Lettres une brochette d’auteur.e.s dont cinq femmes, toutes signataires de la Charte des créatrices de bande dessinée contre le sexisme. Parmi elles, Julie Maroh fit savoir par son blog qu’elle espérait que c’était une blague, de peur d’une récupération politique du mouvement antisexiste.
Quant à la dessinatrice Tanxxx, furieuse de n’avoir pas été avertie et de voir son patronyme divulgué par le ministère, bafouant son droit au « pseudonymat », a tweeté :
« Chevalier mon cul, que crève l’État et le ministère. » Puis ce fut au tour de Chloé Cruchaudet et Aurélie Neyret.
Le vendredi, la secrétaire d’Etat déléguée aux droits des femmes Pascale Boistard a déjeuné avec… des dessinatrices.  Illustration de Gorce. N’aurait-elle pas dû plutôt convoquer l’organisateur du festival, pour le sensibiliser à ce qu’il appelle un « problème féminin » ?
À la faveur de ce déjeuner, il apparaît que le terme autrice a été adoubé par le ministère au détriment d’auteure.
Tandis que l’on discute des mérites respectifs de ces deux mots, que les uns proposent « autruche », d’autres « auteuse » ou « autresse », je me demande si « autesse » ne serait pas encore mieux :
les machos de la profession ne seraient pas dépaysés, ça sonnerait comme hôtesse d’accueil, hôtesse de bar, hôtesse de l’air (et, dernière invention politiquement correcte en date, l’« hôtesse de propreté » qui a remplacé la technicienne de surface…). Le samedi, une séance très instructive organisée par le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme consistait à présenter au public des projections de planches de bande dessinée anonymes et de lui demander de déterminer si elles étaient l’œuvre d’un homme ou d’une femme.
Une petite minorité de planches a été attribuée à des femmes, alors qu’elles étaient toutes l’œuvre de femmes !
Les préjugés ont été démontrés et démontés par cet exercice salutaire.
De leur côté, les États généraux de la bande dessinée, créés un an plus tôt à Angoulême, ont livré le résultat de leur première étude, consacrée aux auteurs.
Un travail remarquable, rigoureux et en profondeur, à partir des réponses de près de 1 500 auteurs, donc très représentatives et pertinentes. En commentant en public quelques-uns des chiffres de cette étude, Denis Bajram, Valérie Mangin et Benoit Peeters ont fait sensation.
On étudiera en détail le rapport détaillé disponible sur le site des États Généraux, mais retenons pour l’heure deux données.
D’abord, un tableau décrivait crûment la situation d’extrême précarité des auteurs, qui est plus grave encore que l’on pensait :
plus de la moitié d’entre eux (53%) touchent moins que le SMIC annuel brut, et plus d’un tiers (36%) sont même en-dessous du seuil de pauvreté (soit 12 024 € bruts annuels).
Et chez les femmes, la situation est encore bien pire :
deux sur trois (67%) sous le SMIC et une sur deux (50%) sous le seuil de pauvreté !
Un autre chiffre remettait à l’ordre du jour la place des femmes :
on apprenait en effet qu’elles représentent 27% des auteurs en activité.
Jusqu’ici, le chiffre avancé (et utilisé par Franck Bondoux pour se justifier) était de 12,4%, tiré du rapport de Gilles Ratier pour l’ACBD.
Ces deux chiffres ne sont pas contradictoires, et sont tous les deux justes.
Mais ils ne désignent pas la même chose, et leur écart en dit long sur l’inégalité entre hommes et femmes.
En effet, le chiffre de l’ACBD concerne la part de femmes parmi les auteurs ayant trois albums à leur actif et ayant publié un album au cours de l’année écoulée.
Sachant que l’étude des EGBD démontre que les femmes sont en moyenne beaucoup plus jeunes que les hommes dans la profession, elles ont plus difficilement déjà publié trois albums (surtout que beaucoup d’entre elles sont de la génération issue de la blogosphère).
Par ailleurs, il apparaît que les femmes publient moins souvent que les hommes, sans doute parce qu’elles ont moins de temps à consacrer à leur création, étant plus accaparées par les tâches ménagères et maternelles (sic), mais aussi à cause d’un certain sexisme de la profession.
Ceci explique aussi qu’une moins grande proportion d’entre elles ont publié un album dans l’année.

La coupe est pleine

Puis vint la cérémonie de remise des prix, qui a déclenché la colère de toute la profession.
On a essentiellement parlé de la monumentale bévue que fut le canular complètement raté consistant à décerner pendant près de dix longues minutes de faux Fauves à de vrais albums réellement en compétition, puis annoncer aux auteurs et éditeurs que c’était une blague et passer à la vraie distribution des vrais Fauves.
C’était une réelle et cruelle faute de goût doublée d’un manque de professionnalisme certain :
en effet, lorsqu’on s’amuse ainsi aux Oscar ou aux César, on prévient les intéressés, on obtient leur accord, on leur demande de participer, on prépare leur rôle et on les fait répéter…
Mais il y a eu beaucoup d’autres « ratés » dans cette cérémonie, notamment quelques allusions sexistes à la polémique qui avait précédé le festival, et des « bimbos » outrageantes, dénoncées le lendemain par Patrice Killoffer :
« L’humour, c’est super quand c’est drôle.
Là, c’était un accident industriel.
Après la polémique sur les femmes, ils font quoi ?
Ils envoient deux potiches avec des perruques faire les guignols sur scène.
Ce festival souffre d’un vrai problème d’amateurisme. »
Un amateurisme indigne d’une si grande manifestation, ce que n’a pas manqué de relever la presse, notamment les médias étrangers.
Un exemple en Espagne :
« Angoulême clôture ainsi l’une de ses éditions les plus désastreuses et malheureuses, qui a vu sa réputation de festival de bande dessinée de référence gravement discréditée. »
Mais le festival ne s’excusa pas et revendiqua même sa liberté de ton. Franck Bondoux, au cours d’une conférence de presse, se dit victime de la « dictature du tweet » et attaqua le public :
« Certaines personnes ne savent pas apprécier l’humour à sa juste valeur et c’est bien regrettable. »
Le fiasco de cette cérémonie et les outrages qui y ont été commis ont fait déborder le vase. Après les auteurs et autrices, ce fut fin février au tour de pas moins de 41 éditeurs, par la voix de leurs deux syndicats représentatifs, d’apostropher la ministre de la Culture pour l’appeler à une refondation complète d’un festival qui doit être « repensé en profondeur, dans sa structure, sa gouvernance, sa stratégie, son projet et ses ambitions », faute de quoi ils boycotteraient l’édition 2017 de la manifestation majeure de leur secteur, et se réservaient même la possibilité de construire eux-mêmes un autre moment fort dans l’année.
Les auteurs, à travers leur syndicat le SNAC-BD, ont approuvé l’appel des éditeurs.
Et puis, n’oubliant pas quel premier dysfonctionnement avait cette année déclenché la fronde et fait exploser la cocotte-minute des insatisfactions et des colères, l’association Artémisia pour la bande dessinée féminine publia à son tour un communiqué :
« D’après le communiqué des éditeurs de bande dessinée, « la dernière édition du Festival a cumulé les errements :
absence de femmes dans la liste des auteurs éligibles au Grand Prix de la Ville d’Angoulême,
mécontentement des auteurs souvent maltraités par l’organisation,
baisse de la fréquentation,
opacité dans les sélections des prix,
cérémonie de clôture désastreuse ».
« En ce sens, Artémisia salue le courage du Syndicat National de l’Edition (SNE) et du Syndicat des éditeurs Alternatif (SEA) et des 41 éditeurs et éditrices associé.e.s qui dénoncent l’incurie répétée du festival de la BD d’Angoulême.
Depuis 10 ans, Artémisia critique le très faible taux de femmes présentes dans le jury et le très faible taux de femmes nommées.
L’édition 2016 est en ce sens une manifestation insupportable de ce sexisme qu’il est grand temps de dépasser.
Pour Artémisia, la culture est un outil d’émancipation, et restaurer l’image du FIBD passe par une véritable remise à plat de son fonctionnement, de son financement et de sa gouvernance et par une démarche de promotion culturelle à la hauteur des enjeux que représente ce festival en France, mais aussi dans tous les pays où il rayonne.
Il en va de la légitimité et de la crédibilité de cet événement.
Nous approuvons l’appel à la médiation et proposons d’en faire partie. »

@ Gilles Ciment (2017)

Conclusion


Conclusion

En réponse à cette bronca générale, le ministère de la Culture et de la Communication annonça le 4 avril 2016 qu’il confiait une « mission de médiation » à Jacques Renard, lequel instaurerait un « comité de concertation » afin de redessiner l’organisation de l’édition 2017 du FIBD. Les consultations commencèrent aussitôt.
Le 12 juillet, c’était l’heure du bilan d’étape. D’emblée le ministère préféra confirmer le « profond attachement de l’ensemble des acteurs concernés à la pérennité et au développement de ce festival » mais annonça plusieurs changements. D’abord dans la gouvernance du FIBD et la « répartition des responsabilités qui s’y attachent » mais également dans la composition des instances de sélections et des jurys :
« Une mesure a d’ores et déjà fait l’unanimité des membres du comité : l’introduction systématique de la parité hommes/femmes dans les instances de sélection et les jurys institués par le festival ou ses partenaires », soulignait le ministère.
Que cette mesure soit la première annoncée était révélateur d’une véritable avancée.
Pourtant, une nouvelle mauvaise surprise attendait encore les observateurs :
mi-novembre, le Festival d’Angoulême annonçait en grande pompe qu’il présenterait en janvier 2017 une grande exposition « Valérian » pour entamer la promotion du nouveau film de Luc Besson (sortie prévue en juillet 2017) adapté des aventures spatio-temporelles imaginées par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Mais il se trouve que la série de bandes dessinées, depuis dix ans déjà, s’appelle Valérian et Laureline, de même que la série d’animation diffusée à la télévision. Une pétition est lancée pour que, sinon Besson, au moins le Festival d’Angoulême répare cet oubli sexiste.
Puis, le 9 décembre, lors de la conférence de presse du festival 2017, l’organisateur semble mettre les bouchées double, en insistant sur la présence de « nombreuses auteurs » dans la sélection officielle :
en réalité 16 sur 91 auteurs en compétition, ce qui est conforme aux habitudes (et inférieur à la représentation de 2016), même si l’on met en avant, artificiellement, Catherine Meurisse, Alison Bechdel et Sophie Guerrive.
Autre signe fort envoyé par l’organisateur :
la présidence du jury confiée à Posy Simmonds.
En réponse à FranceTVinfo qui titre « Cette fois le festival met les femmes à l’honneur », Jeanne Puchol déclare sur sa page Facebook :
« Il était bien temps que le message soit entendu, en effet… Genre « oups, on se rattrape comme on peut », après avoir enlevé Posy Simmonds de la liste des postulants au Grand Prix en 2016, sous prétexte qu’elle n’avait pas eu suffisamment de voix l’année précédente. Encore un petit effort, les faux culs du FIBD, vous y êtes presque.
Et « cette fois » n’a pas intérêt à rester un précédent sans lendemain. »
Et vint, pour clore en beauté cette année 2016, le nouveau logo de l’association FIBD, qui cherche à se donner un coup de jeune, après son changement de président(e) en juillet :
sans doute pour tirer les enseignements du scandale du début de l’année et caresser les auteur.e.s dans le sens du poil de la parité, elle accole donc au « fauve » noir historique (dans lequel on pouvait pourtant aussi bien voir un mâle qu’une femelle) une compagne, cette « fauvesse » rose qui sourit benoîtement, les yeux fermés, pendant que son compagnon parle.
Un tel opportunisme conjugué à une telle maladresse, n’est-il pas pathétique ?
Quelques jours plus tard, Artémisia remettait pour la dixième année consécutive son Prix de la bande dessinée de femmes. Et, pour ses dix ans, le jury innova et remit pas moins de quatre prix, pour saluer la richesse et la qualité de la production féminine de l’année 2016 :
à son traditionnel Grand Prix décerné à Céline Wagner pour Frapper le sol (Actes Sud – L’An 2)
s’ajoutent donc en 2017
un Prix spécial du jury (Quand viennent les bêtes sauvages de Nicole Augereau, Flblb),
un Prix Humour (Le Problème avec les femmes de Jacky Fleming, Dargaud) et
un Prix Avenir (L’Apocalypse selon Magda de Chloé Vollmer-Lo et Carole Maurel, Delcourt).

À suivre ?

@ Gilles Ciment (2017)




Florence Cestac, contre le sexisme en BD, JDD
Florence Cestac, un cretin total, Le Figaro
Abscence de femmes à Angoulème, BFM
Mea Culpa de F. Bondoux, Le Monde
Expo Comix Creatrix : 100 Women making Comix
Enquête sur les auteur-(es)-s de BD
la fausse remise des prix angoulême 2016, Le figaro
Les Femmes à l'honneur, france tv info

Les Années 90/2000


L'âge moderne des comics est une période de l'histoire de la bande dessinée américaine qui s'étend des années 1986-87 à aujourd'hui. Les métamorphoses de l'écriture

fin 80, début 90, un âge d'or

Les années 90 ont été un grand moment pour l’industrie de la bande dessinée.
Il y avait des épisodes qui se vendaient à des millions d'exemplaires, une référence inédite sur le marché actuel.
Mais beaucoup de lecteurs y voient une période où le style perd de sa substance.
Le positif de cela était que de nombreuses bandes dessinées de cette période avaient quand même un art fantastique qui avait une énergie qui galvanisait l'industrie.
Trois comics, tous publiés par DC Comics, sont généralement nommés comme point de départ de l'âge moderne des comics.
En 1985, DC Comics décide de recréer entièrement son univers de super-héros et pour cela lance une mini-série de 12 numéros intitulée Crisis on Infinite Earths scénarisée par Marv Wolfman et dessinée par George Perez.
À la fin de cette épopée, les différentes Terres du Multivers DC ont été fondues en une seule,
Superman de Terre 2 (celui qui avait lancé l'âge d'or des comics) a disparu
et Flash de Terre 1 (le premier héros de l'âge d'argent) est mort.
Les auteurs peuvent faire table rase du passé et réécrire les origines des super-héros.

En 1986, deux autres mini-séries donnent le ton de cet âge moderne :
The Dark Knight Returns de Frank Miller et
Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons.
Ces titres s'adressent à un lectorat plus âgé que celui habituellement visé par les comics.
Ils abordent des thèmes (sexualité, drogue, violence) prohibés par l'organisme de surveillance des comics, la Comics Code Authority (CCA) alors qu'ils sont publiés par un éditeur grand public et non par un indépendant.
DC avait déjà abordé cette voie avec Swamp Thing, scénarisé par Alan Moore, qui n'est plus soumis à l'approbation de la CCA à partir du numéro 29 d'octobre 1984.
Ce type de récits se développe ensuite avec des comics tels que Hellblazer, Shade, the Changing Man, Animal Man ou encore Sandman de Neil Gaiman qui sont des comics destinés à des lecteurs plus adultes.
Ils porteront d'ailleurs à partir de 1987 sur leur couverture l'avertissement For Mature Readers.
Finalement en 1993, une collection nommée Vertigo, dont la directrice de publication est Karen Berger, accueille tous ces titres qui ont de fait quitté l'univers des super-héros classiques.
L'ajout de l'avertissement For Mature Readers fait suite à une décision des responsables de DC inquiets d'un possible retour de la censure.
En effet, à partir de 1986 des associations, des journalistes, des politiciens s'en prennent aux comics qu'ils jugent de plus en plus pornographiques et violents (un des comics montré du doigt est le numéro 9 de Miracleman, scénarisé par Alan Moore et dessiné par Rick Veitch qui montre sur plusieurs cases la naissance d'un enfant).
DC réagit donc à cette campagne en indiquant un âge de lecture, tandis que Marvel réaffirme son observance des règles édictées par la CCA.
Cela va aussi aboutir à la mise en accusation d'un propriétaire de magasin de comics pour la vente de produits pornographiques. Le jugement rendu en 1989 le reconnaît innocent mais cette action en justice montre aux éditeurs la nécessité de s'unir pour lutter contre les menaces à la liberté d'expression.
C'est dans ce but qu'est créé, en 1987, le Comic Book Legal Defense Fund.
L'année 1986 représente également une date importante dans l'histoire des comics avec la parution du premier tome de Maus (intitulé Maus: A Survivor's Tale) de Art Spiegelman.
Le second tome Maus: from Mauschwitz to the Catskills sort en 1991 et vaut à l'auteur un Prix Pulitzer spécial en 1992.

Jim Lee : Un des fondateurs d'Image Comics

Même si quelques comics sortent du lot par le travail sur l'écriture, ils ne peuvent cacher le désintérêt croissant des lecteurs pour les comics.
Le public adolescent est le premier consommateur de bandes dessinées mais il délaisse celles-ci et le lectorat adulte n'est pas assez important pour le remplacer.
On assiste alors à une baisse des ventes qui va cesser cependant grâce à plusieurs facteurs.
Le premier est l'arrivée d'une nouvelle génération d'artistes chez Marvel Comics :
Todd McFarlane sur Amazing Spider-Man puis Spider-Man,
Jim Lee sur Uncanny X-men puis X-men,
Erik Larsen sur Amazing Spider-Man,
Rob Liefeld sur New Mutants devenu X-Force,
Marc Silvestri sur Wolverine,
Whilce Portacio sur Uncanny X-men et
Jim Valentino sur Guardians of the Galaxy.
Les comics sur lesquels travaillent ces artistes voient leurs ventes augmenter ainsi le premier numéro de
Spider-Man par McFarlane se vend à 3 millions d'exemplaires,
X-Force 1 à 5 millions et
X-men 1 à 8 millionsP 2.
Une autre cause de la remontée des ventes est la création d'une bulle spéculative.
Comme certains comics de l'âge d'or et de l'âge d'argent des comics valent des milliers de dollars, des spéculateurs vont faire le pari qu'il en sera de même pour les comics modernes.
Pour alimenter ce marché, les éditeurs vont multiplier les séries et les numéros spéciaux et utiliser les techniques modernes d'imprimerie pour créer des couvertures originales (embossage, découpes, encre phosphorescente, etc.).
L'espoir est d'attirer assez les collectionneurs qui achètent plusieurs exemplaires du même comics pour le revendre avec un bénéfice.
L'augmentation du nombre d'acheteurs va s'accompagner de la multiplication de nouvelles maisons d'éditions qui vont lancer leur ligne de super-héros.
Parmi celles-ci se trouvent Valiant Comics fondé par Jim Shooter en 1989 qui devient la troisième maison d'édition derrière Marvel et DCP 2 et Image Comics fondé en 1992 par les vedettes de Marvel :
Rob Liefeld, Erik Larsen, Jim Valentino, Todd McFarlane, Marc Silvestri et Jim Lee.
Ceux-ci, désireux de rester maîtres de leurs créations vont s'unir pour les éditer.
Ainsi apparaissent
Youngblood de Liefeld,
Spawn de McFarlane,
Savage Dragon de Larsen,
WildCATS de Lee et
Cyberforce de Silvestri.
Image est plus alors une réunion d'individualités qu'une maison d'édition avec une ligne éditoriale claire.
Ceci va d'ailleurs occasionner de nombreux problèmes comme des retards importants dans la parution, la multiplication de séries qui ne trouvent pas leurs lecteurs et, au sein même d'Image, des tensions entre les membres fondateurs.

Crise et renaissance

En 1993, tous les éditeurs connaissent des difficultés car la bulle spéculative éclate.
Les comics n'apparaissent plus comme un objet pouvant prendre rapidement de la valeur.
Comme ils sont publiés à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, voire à plusieurs millions, ils ne sont pas des raretés comme le sont les comics des années 1940 à 1960 et la plus-value espérée à la revente est nulle.
Les spéculateurs cessent d'acheter de comics et les lecteurs se contentent d'un seul exemplaire.
Les effets de ce retournement de situation touchent tous les types d'entreprises liées au secteur des comics.
Le nombre des magasins de comics s'effondre et en 1996 il passe de 10 000 à 4 000.
Les entreprises de distribution mettent la clé sous la porte les unes après les autres et en 1994, il n'en reste qu'une Diamond Comic Distributor.
Quant aux éditeurs, beaucoup disparaissent dont Valiant Comics qui est racheté, en 1994, par Acclaim Entertainment pour utiliser les personnages dans des jeux vidéo.
En 1996, Marvel Comics est au bord de la faillite et elle doit son salut à une demande mise sous protection du Chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis.
Cela ne l'empêche cependant pas d'être encore la première maison d'édition de comics.
Image, de son côté, est déchiré et deux fondateurs quittent l'entreprise :
Rob Liefeld fonde sa maison d'édition Awesome Entertainment en 1997 et Jim Lee part avec ses créations pour DC Comics qui devient l'éditeur de ses séries mais qui laisse Jim Lee au poste de directeur de collection.
Cette crise sévère s'apaise finalement mais les ventes ne connaissent plus les sommets du début des années 1990 ; elles reviennent au niveau des années 1980.
Ainsi, en janvier 1998, Uncanny X-men ne se vend plus qu'à 154 000 exemplaires.
Après ces excès et la crise qui lui succède, les éditeurs changent de stratégie et tentent de garder ou d'attirer des lecteurs qui achèteront les comics pour leurs qualités intrinsèques et non pour spéculer.
Cela se fait grâce à plusieurs moyens.
Tout d'abord une attention plus importante est portée au scénario ; puisque le lecteur s'est lassé des comics qui n'étaient qu'images sans contenus, les éditeurs cherchent des scénaristes qui grâce à des histoires fortes donneront envie au lecteur de revenir le mois suivant pour acheter le nouvel épisode de la série qu'il suit.
Ainsi, des scénaristes tels que Kurt Busiek ou James Robinson s'attachent à produire des récits complexes qui s'attachent aux personnages et pas seulement aux combats des héros contre les vilains.
Par ailleurs des scénaristes de cinéma, de télévision, des romanciers sont appelés pour écrire des scénarios de comics. Ainsi Kevin Smith scénarise les aventures de Green Arrow pour DC et celles de Daredevil pour Marvel ;
Joss Whedon poursuit le récit des aventures de Buffy contre les vampires en bande dessinée après l'arrêt de la série télévisée et Denise Mina reprend Hellblazer.
Une autre façon de vendre des comics consiste à proposer des crossover qui nécessitent l'achat de plusieurs séries pour comprendre l'histoire.
Ainsi Batman : Knightfall est une histoire qui compte 20 épisodes répartis sur quatre séries.
Une variante de cela est la publication d'une mini-série qui peut se lire seule mais qui a des répercussions sur de nombreuses séries comme ce fut le cas pour Infinity War, publié par Marvel, à laquelle furent rattachées 19 séries.
Les crossovers ont tendance à devenir un évènement habituel et permettent de raconter une histoire pendant plusieurs mois, touchant plusieurs séries et modifiant de façon importante l'univers des super-héros.
Chez Marvel chaque année amène son nouveau crossover qui touche l'ensemble de l'univers Marvel et dont les conséquences amènent le crossover suivant.
Ainsi en 2004 est publié Secret War qui aura des conséquences sur le crossover de 2008 Secret Invasion.
En 2004-2005 Avengers Disassembled commence une série de crossovers qui s'enchaînent House of M (2005) puis Civil War (2006-2007), Secret Invasion (2008), Dark Reign (2009), Siege (2010) et Heroic Age (2010).
D'autres éditeurs indépendants suivent parfois cet exemple et racontent une histoire mettant en scène plusieurs personnages de leur catalogue.
Ainsi IDW a publié un crossover qui lie G.I. Joe et Transformers et Dynamite sort en juin 2012 un crossover mettant en présence Vampirella, Red Sonja, Allan Quatermain, etc.
Chez DC l'univers des super-héros connaît une série de «crises» qui ont été publiées chaque année depuis 2004 : Identity Crisis (2004) se développe en Countdown to Infinite Crisis (2005), Infinite Crisis (2005-2006), 52 (2006-2007), Countdown to Finale Crisis (2007), Final Crisis 2008.
En 2009 le crossover met en avant Green Lantern, s'intitule Blackest Night et donne naissance à celui de 2010 Brightest Day.
Enfin, en 2011, Flash est à l'honneur avec le crossover Flashpoint qui est suivi en 2011-2012 de la recréation complète de l'univers DC. Toutes les séries recommencent alors avec un nouveau numéro.
Ceci a pour but d'attirer de nouveaux lecteurs qui risqueraient d'être désorientés dans un univers foisonnant où tant de personnages se combattent, s'aiment, se trahissent et ce depuis tant d'années qu'il est malaisé de saisir immédiatement tous les ressorts de l'histoire.
Randy Duncan et Matthew J. Smith parlent d'un âge de la réitération pour caractériser cette période dans laquelle les héros sont constamment recréés.
Ils le sont non seulement dans leur monde classique mais aussi dans des versions parallèles.
Ainsi Marvel a créé une collection Ultimate dans laquelle les super-héros classiques ont de nouvelles origines placées dans le monde actuel;
il existe aussi une collection MAX avec un contenu plus adulte
et une collection présentant les aventures des héros marvel à destination des enfants, avec un graphisme inspiré des dessins animés.
Même si les ventes des comics reste maintenant faible, les éditeurs ont trouvé le moyen de gagner de l'argent en utilisant les personnages qu'ils possèdent dans d'autres médias, qu'il s'agisse de film, de séries télévisées, de dessin animées, de jeux vidéo, etc..

Les autres formats

Les comic strips

Les comic strips comme les comic books connaissent une chute de leur lectorat.
La cause première tient cependant à la crise de la presse écrite.
En 1920, 2398 quotidiens étaient distribués dans tout le pays et en 2009 il n'y en avait plus que 1422 alors que la population avait triplée.
De plus, la place qui leur est accordée se réduit et de moins en moins de journaux en publient.
Une conséquence de cette crise est la disparition des strips d'aventure qui ont besoin de plus d'espace pour se développer.
Ils sont quasiment tous remplacés par les strips humoristiques qui parviennent avec un dessin de plus en plus simple dans moins en moins d'espace à toucher immédiatement le lecteur.

Bandes politiques

Parmi les strips humoristiques, les strips politiques tendent aussi à disparaître.
Le succès de Doonesbury depuis les années 1970 est l'exception qui cache mal ce phénomène.
D'autres auteurs insèrent parfois une critique de la société américaine et de son personnel politique mais c'est de moins en moins frontalement.
Le dessin politique qui souvent commentait l'actualité en première page est de plus en plus supprimé et leurs auteurs en viennent à réaliser des strips où de temps en temps l'analyse politique, entendue dans un sens large, refait surface.
C'est ainsi le cas pour Jeff MacNelly qui dans Shoe se moque des travers de la presse grâce à son personnage principal, Shoe, un oiseau journaliste.
Doug Marlette avec Kudzu, Mike Peters avec Grimmy et Jim Borgman avec Zits créent chacun une œuvre qui n'est pas par essence une satire mais dans laquelle se dessine une mise en question du mode de vie américain.
Ils renouent ainsi avec le dessin politique qui a valu à MacNelly, Marlette et Peters le prix Pulitzer.
Enfin, bien qu'elle ne soit pas à proprement parler une série politique, Dilbert de Scott Adams dresse un tableau caustique du monde du travail.
Ce strip diffusé nationalement dans de nombreux journaux est aussi le premier de ce type à paraître sur internet.

D'autres humoristes

D'autres auteurs connaissent un très grand succès comme Calvin et Hobbes de Bill Watterson ou Mutts de Patrick McDonnell.
Le premier est un strip familial dans lequel l'enfant, Calvin discute avec son tigre en peluche Hobbes.
Le strip ne dure que dix ans et s'arrête en 1995 selon la volonté de Watterson.
Celui-ci a été récompensé par de nombreux prix dont le prix Harvey du meilleur comic strip tous les ans de 1990 à 1996 et le Grand prix de la ville d'Angoulême en 2014.
Le second est un strip animalier créé en 1994 et considéré par Charles Schulz comme l'un des meilleurs comic strips de tous les temps20. Diffusé dans sept cents quotidiens, le strip vaut à son auteur Patrick McDonnell de nombreuses récompenses dont le Reuben Award en 1999 et plusieurs fois un Harvey Award.

webcomics

Un nouveau format est apparu dès le milieu des années 1980 pour diffuser des bandes dessinées.
Grâce aux réseaux, d'abord CompuServe puis Internet, des auteurs parviennent à toucher des lecteurs sans se soucier de l'impression et de la diffusion de leurs œuvres.
Le premier auteur à ouvrir cette voie est Eric Millikin qui en 1985 crée Witches and Stitches le premier comics diffusé en ligne grâce à CompuServe.
En 1993, apparaissent quasi-simultanément les deux premiers webcomics disponibles sur le web :
Netboy de Stafford Huyler et
Doctor Fun de David Farley.
Depuis de nombreux artistes choisissent de diffuser leurs créations grâce à Internet et par ce biais acquièrent une renommée leur permettant d'éditer au format papier leurs œuvres.
Ainsi Le cancer de maman est d'abord produit sous la forme d'un webcomic, ce qui lui vaut un Harvey Award en 2005, avant d'être publié par la maison d'édition Harry N. Abrams.
Inversement, les éditeurs de comics diffusent les œuvres papier sur Internet que ce soit DC Comics, Marvel, Top Cow, Boom, etc.

Texte © Wikipédia


Le Manga, masse et diversité

L'ère industrielle, et la conquête mondiale

La deuxième moitié des années 80, va voir apparaitre les mangas en livre (et pas en anime du Club Dorothée, HIhihihi). Par sa diversité, et sa qualité, le manga va conquérir un public nouveau, occidental. Et donc un marché immense.
Le manga est organisé en catégories qui vont satisfaire un large public, de tout âge, de tout centre d'intérêt.

Seinen

Le seinen désigne un manga destiné à un public plus adulte.
S'il reprend dans l'ensemble les thèmes abordés dans les shonen, les intrigues sont toutefois plus complexes, les personnages plus subtils, torturés ou réalistes.
S'adressant à un public plus mature, ce type de récit est souvent plus crédible, mais parfois aussi violent ou teinté d'érotisme, sans être une généralité pour autant car les sujets abordés sont très diversifiés.

Shonen

Le shonen vise un public essentiellement adolescent et masculin, il est le genre le plus représenté et le fer de lance du succès du manga en France. C'est un genre codifié véhiculant très souvent le même type de valeurs tel que le dépassement de soi, l'amitié, la justice, la bravoure.

Shojo

Le terme shojo signifie " jeune fille" et caractérise les mangas visant un public essentiellement féminin et plutôt jeune.
Ces récits abordent des sujets variés tels que la musique, l'école, le sport, la mode avec pratiquement toujours comme toile de fond des histoires d'amour.
Ce genre à part entière possède ses propres codes graphiques, avec entre autre l'accent mis sur les expressions, ou encore des graphismes tout en finesse.

Kodomo

Kodomo signifie "enfant", ces mangas sont destinés aux plus jeunes lecteurs (entre 6 et 11 ans).
Le succès de certains kodomo, tel que Pokemon par exemple, prouve néanmoins que ce type de récit peut se lire de 7 à 77 ans ....

Yaoi

Yaoi :
Ce terme est attribué pour des ouvrages traitant de relations homosexuelles entre garçons.
Certains sont d'ailleurs très axés sur la relation sexuelle unissant les divers personnages.
Parallèlement, les intrigues abordent tous les genres: fantastique, historique, policier etc...

Josei

Le josei ou Ladies comics (Redisu komikku) est le pendant du seinen au féminin. Ces mangas, sont donc destinés à un lectorat féminin adulte.
Les intrigues y sont plus complexes que dans le shôjo.
Les relations amoureuses, la séduction et les relations sexuelles sont souvent les sujets centraux de ces récits, tout comme les préoccupations des jeunes femmes modernes telles que le célibat, le travail, le partenaire idéal, le mariage etc...

Yuri

Yuri :
Ce terme est utilisé pour des ouvrages traitant d'amours lesbiens, ils sont principalement portés sur les sentiments reliant les personnages principaux, plus que sur les relations sexuelles.
Le lectorat comme les auteurs de ces séries sont majoritairement féminins.
Le lectorat comme les auteurs de ces séries sont majoritairement féminins.

Ecchi/Hentai

Sous cette classification sont regroupés les titres à caractère érotique (Ecchi) ou pornographique (Hentai).
Bien qu'il comporte des scènes a ne pas mettre en toutes les mains, le Ecchi reste un genre soft ou le sentimental prime souvent sur l'aspect sexuel.
En revanche le Hentai, qui signifie "pervers" comporte quant à lui des scènes pornographiques parfois anormales.
On y retrouve souvent des parodies de séries populaires mais également des récits totalement originaux et bien construits.
Si ce genre a connu quelques déboires en France dans les années 90 (éditions du téméraire ou BD érogène), il a depuis retrouvé ses lettres de noblesse puisque plusieurs maisons d'édition ont proposé une collection à part entière dédiée au Ecchi (Pulp/ Asuka, Emoi/Tonkam, Ecchi/Taifu).

Le manga et le roman graphique

Le manga, un genre populaire

Ecrire un article qui associe le genre du manga au roman graphique peut être surprenant pour certains.
Le manga en France s'est installé petit à petit devenant un genre incontournable depuis quelques années et s'imposant dans les salons du livre un peu partout dans le monde mais surtout dans l'Hexagone où il a une place non négligeable.
Toutefois bien que présent un peu partout le manga semble se limiter aux environs de la littérature de jeunesse alors qu'il n'en est pourtant rien.
Effectivement, la popularité des oeuvres telles que Naruto ou One Pièce qui passent sur nos écrans peuvent le supposer mais des auteurs tels qu'Osuma Tezuka ou Jiro Tanaguchi tendent à montrer que le manga peut être un genre très sérieux.

Le roman graphique, des histoires dessinées

Le roman graphique est un genre littéraire entre le roman et la bande-dessinée. Traduction du terme anglais "graphic novel", qui désigne des bandes-dessinées américaines destinées à un public adulte et différencié du lectorat des comics, le roman graphique est généralement caractérisé par une narration contenue dans un unique album (par opposition aux séries), un graphisme travaillé, des personnages à psychologie complexe (source http://www.babelio.com/livres-/romangraphique/683).
Selon cette définition, le roman graphique serait des sortes de bandes dessinées pour adultes, la différence entre les comics et les bandes dessinées n'étant vraiment importante qu'aux Etats-unis. C'est pourquoi en Europe, nous avons des difficultés à séparer la bande dessinée qui contient des oeuvres tout à fait sérieuses et qui ont des graphismes travaillés (Megalex, Sept Guerriers), des personnages à psychologie complexe (Persepolis, Horologiom) et le roman graphique. Au japon, le manga qui est l'équivalent de la bande dessinée dans le milieu occidental a aussi différents publics qui ont chacun un genre bien définit : le shonen (qui signifie adolescent) est le genre le plus populaire avec le shojo (qui signifie adolescente) car destiné à un jeune public. C'est le type de manga que l'on retrouve le plus souvent en France. Le joshei (jeune femme) et le seinen (jeune homme) sont des styles de manga visant un lectorat plus adulte allant de 18 à 30 ans. En revenant à la définition du roman graphique, nous pouvons constater que les manga pour adulte (le josei et le seinen) peuvent facilement y correspondre. Nous avons dit plus tôt que les bandes dessinées européennes sont difficilement séparable du roman graphique.
Au Japon, les mangas pour adultes sont séparés du gekiga qui signifie littéralement « dessin dramatique » et qui correspondrait davantage à la définition du roman graphique.
Ces manga qui sont peu représenté en France existent pourtant bel et bien et sont reconnus dans le milieu littéraire.

Le manga pour adulte, un roman graphique peu connu en France

Si nous nous intéressons à la bande dessinée sous sa forme physique, nous pouvons nous rendre compte qu'il y a un format conventionné qui est le A4 avec une couverture cartonnée.
De même au Japon les manga ont la norme B5.
Si cet intérêt sur le format des bandes dessinées et des manga peut paraître au premier abord étrange, en y regardant de plus près, nous pouvons nous rendre compte qu'une bande dessinée au format différent de la norme est une bande dessinée à part et que cette constatation peut être également faite au Japon. En France, les maisons d'édition prennent le partie d'éditer les oeuvres d'auteurs extrêmement connus, et ayant des sujets sociaux assez marquant qui correspondent aux préoccupations des adultes au Japon, dans d'autres formats que le format habituel des manga.
En effet, des oeuvres telles que Le pays des Cerisiers de Fumiyo Kouno qui présentent des tranches de vie d'une famille japonaise vivant à Hiroshima 10 ans après le bombardement, Journal d'une dépression de Hidéo Azuma qui est une sorte d'autobiographie sur la vie mouvementée de son auteur, ou Le Pavillon des Hommes de Fumi Yoshinaga sont des oeuvres éditées dans un format plus grand que les manga habituels.
Ces manga tous édités dans la maison d'édition Kana font partis de la collection « Made-in » qui se définit comme « le label de prestige de Kana ».
Le pavillon des hommes fait lui parti de la collection « Big Kana », un format plus petit mais néanmoins plus grand que l'habituel.
Nous pouvons donc déjà comprendre qu'un manga en grand format et ayant un sujet plutôt sérieux se rapproche étroitement de la définition du roman graphique qui n'existe pas au Japon mais pourtant bien présente en France.

Jirô Tanaguchi

Jirô Tanaguchi est un mangaka japonais publié en France par les maisons d'édition Casterman et Kana.
Il a été reconnu en 2011 « Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres ». Ses oeuvres ont pour thème l'homme et la nature, les relations humaines et la vie quotidienne japonaise. Son style qui se rapproche des dessins occidentaux tend à le rendre populaire en France.
Ses oeuvres sont publiés en grand format et se différencient ainsi des manga « normaux ».
Si nous avons décidé de parler de cet auteur, c'est parce qu'il est ce qui se rapproche le plus d'un auteur de roman graphique même si nous le rappelons le terme n'existe pas au Japon.
Ses oeuvres les plus connus, Quartier Lointain ou Le Sommet des Dieux sont placées en France dans la catégorie roman graphique.
Précédemment, nous avons parlé du gekiga qui peut être considéré comme un style de manga extrêmement sérieux et les oeuvres que nous avons cités jusqu'à présent sont quasiment toutes des gekiga.
Jirô Tanaguchi est lui même un auteur de seinen (manga pour adulte) et gekiga. Cependant, nous ne prenons pas le parti de dire que tous les romans graphiques doivent être sérieux et graves même si, c'est avec cet argument que nous avons décidé d'inclure certains types de manga dans la catégorie du roman graphique.

Le manga étant un genre de bande dessinée étranger il sera toujours extérieur à notre culture.
Tenter de le caractériser est un moyen pour nous occidentaux de mieux l'appréhender.
Le roman graphique est un nouveau genre littéraire qui tend à se faire de plus en plus connaître.
Étant en rapport avec la bande dessinée, nous devions parler de ces bandes dessinées nippones qui peuvent, bien qu'étant étrangère, être mises en relation avec le roman graphique.
Le simple fait que certains manga sont aujourd'hui considérés comme des romans graphiques nous conforte dans l'idée que le roman graphique est un genre littéraire encore en pleine mouvance et pas encore bien définit mais qui se caractérise de plus en plus et semble avoir ses équivalences dans chaque cultures.

Janyce B.


Punpun


Punpun

Genre Chef d'Oeuvre

Résumé

L’histoire commence alors que Punpun est en cinquième primaire (CM1).
Sa vie et celle de ses parents basculent un beau matin, lorsque son père blesse sa mère suite à une dispute particulièrement violente.
C’est l’histoire d’une vie comme toutes les autres, truffée de pièges, d’obstacles, de tourments, de doutes, d’introspections utiles et stériles et de ses petits bonheurs qu’il ne faut pas perdre de vue.

Les points forts de la série:

Violence domestique, environnement social peu favorable, un oncle au chômage qui s’occupe de lui, Pun Pun évolue dans un monde qui est loin d’être facile.
Cette œuvre s’inscrit dans une veine avant-gardiste qui ne rejette cependant pas complètement les fondements du manga grand public.
Asano Inio poursuit son exploration réaliste du monde qui l’entoure, en s’affranchissant de certaines conventions graphiques.
En effet la première chose qui frappe le lecteur de Bonne nuit Pun Pun, c’est la volonté d’Asano Inio de représenter son personnage principal (et les membres de sa famille) sous les traits très simples d’un être ressemblant vaguement à un oiseau.
Cette particularité est d’autant plus frappante que le reste du manga (personnages, décors) relève d’un réalisme quasi extrême.
Cette liberté dans la façon de présenter les personnages tient au fait que la génération à laquelle appartient le mangaka * (il est né en 1980) s’est affranchie de la plupart des conventions, parfois rigides, qui entouraient le manga.
Tout le talent d’Asano réside dans ce mélange subtil et détonnant entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

Akira


Introduction

Akira (アキラ?) est une série de seinen manga de science-fiction écrite et illustrée par Katsuhiro Ōtomo.
Elle est prépubliée dans le magazine Young Magazine de l'éditeur Kōdansha à partir de 1982 et se termine en 1990.
Elle est ensuite publiée en six volumes reliés de 1984 à 1993.
L'œuvre comporte 120 épisodes et environ 2 200 planches.
Akira est récompensé par le Prix du manga de son éditeur Kōdansha en 1984, catégorie Général (seinen).
Ce manga a nettement participé à la diffusion du manga en Occident.
En 1988, Akira est adapté en un film d'animation, également réalisé par Katsuhiro Ōtomo, sous le même titre, Akira.

Résumé

Tokyo est détruite par une mystérieuse explosion le 6 décembre 1982, et cela déclenche la Troisième Guerre mondiale, avec la destruction de nombreuses cités par des armes nucléaires.
En 2019, Neo-Tokyo est une mégapole corrompue et sillonnée par des bandes de jeunes motards désœuvrés et drogués.
Une nuit, l’un d'eux, Tetsuo, a un accident de moto en essayant d'éviter un étrange garçon qui se trouve sur son chemin.
Blessé, Tetsuo est capturé par l’armée japonaise.
Il est l’objet de nombreux tests dans le cadre d’un projet militaire ultra secret visant à repérer et former des êtres possédant des prédispositions à des pouvoirs psychiques (télépathie, téléportation, télékinésie, etc.).
Les amis de Tetsuo, dont leur chef Kaneda, veulent savoir ce qui lui est arrivé, car quand il s’évade et se retrouve en liberté, il n’est plus le même…
Tetsuo teste ses nouveaux pouvoirs et veut s’imposer comme un leader parmi les junkies, ce qui ne plaît pas à tout le monde, en particulier à Kaneda.
En parallèle se nouent des intrigues politiques :
l’armée essaye par tous les moyens de continuer le projet en espérant percer le secret de la puissance d’Akira, un enfant doté de pouvoirs psychiques extraordinaires (et de la maîtriser pour s'en servir par la suite), tandis que les politiciens ne voient pas l’intérêt de continuer à allouer de l’argent à un projet de plus de 30 ans qui n'a jamais rien rapporté.
Le phénomène Akira suscite également l’intérêt d’un mouvement révolutionnaire qui veut se l’approprier à des fins religieuses (Akira serait considéré comme un « sauveur » par ses fidèles).
Tetsuo va se retrouver malgré lui au centre d’une lutte entre les révolutionnaires et le pouvoir en place.

Influences

Si le manga Tetsujin 28-gō n'est finalement qu'un point de départ pour permettre à l'auteur d'honorer sa commande pour l'éditeur Kōdansha, il n'oublie pas de lui rendre hommage :
Shotaro Kaneda, personnage principal d'Akira, partage le même nom que le fils du Docteur Kaneda ; Le colonel se nomme Shikishima, comme le professeur et mentor du jeune héros ; Tetsuo est nommé en référence à son fils, Tetsuo Shikishima ; enfin, le titre Tetsujin 28-gō se réfère au 28e projet Tetsujin, tandis que Akira sera le 28e sujet d'expérimentation.
Otomo reconnait avoir été grandement influencé par les travaux du dessinateur français Jean Giraud, connu sous le pseudonyme Mœbius, avec lequel il partage notamment une œuvre complexe, des paysages urbains futuristes et un character design réaliste.
Cinéphile, Otomo a également été inspiré par le cinéma occidental, et plus particulièrement les films hollywoodiens des années 60, tels Bonnie et Clyde, Easy Rider et Butch Cassidy et le Kid.
En effet, à l'instar des protagonistes de ces films, les personnages d'Akira ne se retrouvent pas dans la société et s'en affranchissent en agissant au mépris de la loi.
Empreint de charisme, ces voyous deviennent pour le lecteur une certaine image de l'accomplissement des désirs et de l'évasion [de la réalité].
Les personnages d'Akira évoluent dans un univers visuel très proche du film Blade Runner qui sortira l'année du début de publication du manga et se déroule également en 2019.
« J'ai compris ce que je voulais faire avec Fireball, je voudrais maintenant y parvenir avec Akira. »
Otomo puise également dans ses précédentes œuvres pour réaliser Akira.
Fireball, histoire courte inachevée publiée en 1979 dans le magazine Action Deluxe, donnait déjà les prémices d'Akira.
Elle relate l'histoire d'un groupe de combattants pour la liberté dans une ville futuriste, engagé dans une lutte contre le gouvernement en place et d'un policier possédant de faibles pouvoirs télékinétiques.
Ce dernier subit des expériences conduites par des scientifiques du gouvernement et évolue en une entité hybride homme-mécanique avant de fusionner avec un ordinateur.
Akira sera d'ailleurs l'occasion pour Otomo d'écrire une scène qu'il aurait aimé aborder dans Fireball :
Je n'ai pas réussi à publier la fin [de Fireball] telle que je l'envisageais : une scène où les deux frères se remémorent leur enfance.
J'ai repris l'idée plus tard dans Akira.
La télékinésie est également présente dans le manga qui a fait connaître Otomo, Rêves d'enfants (童夢, Dōmu?)31.
Série de science-fiction publiée de 1980 à 1981, elle suit la confrontation d'une personne âgée et d'une jeune fille au moyen de pouvoirs psychokinétiques.
Enfin, des événements vécus par l'auteur ont influencé son œuvre :
les émeutes dans les rues envers le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon finalement signé en 1960, la tenue des Jeux olympiques d'été de 1964 à Tokyo, et l'affaire du chalet Asama en 1972.

Texte © Wikipédia

Dragon Ball


Résumé

Dans un monde fantastique semblable à la Terre et peuplé de créatures plus étranges les unes que les autres, un petit garçon à la force herculéenne et doté d’une queue de singe croise un jour la route d’une jeune fille.
Celle-ci s’est lancée à la recherche de sept mystérieuses boules de cristal.
Car il est dit que quiconque les réunira pourra appeler le dragon sacré et exaucer son voeu le plus cher.
En chemin, ce duo d’aventuriers peu commun se heurte à un cochon transformiste usant de ses dons pour kidnapper les jeunes filles d’un village, puis à un vagabond solitaire adepte des arts martiaux que la simple vue d’une jeune femme suffit à tétaniser sur place.
Ce n’est que le début d’une grande aventure riche en péripéties, en humour et en combats extraordinaires…

Les points forts de la série

Série devenue un véritable phénomène de mode dès sa parution, Dragon Ball connaît un succès mondial auprès de toute une génération.
Plusieurs millions de lecteurs ont suivi avec engouement ce manga drôle et novateur réalisé par le brillant Akira Toriyama et qui compte au total près de 8000 pages de BD.
Une oeuvre colossale et magnifique. La dynamique de l'action se mêle à merveille à une grande épopée narrative.
Dragon Ball est bien plus qu'une BD d'action pour enfants, c'est un roman d'apprentissage, c'est le parcours d'un enfant, son cheminement vers l'âge adulte, et son aptitude à devenir le sauveur de l'humanité.
Vous revivez, grâce à cette édition, les prémices d'une grande légende... dans les mêmes conditions que l'originale !

Critique

Y a-t-il encore des gens qui ne connaissent pas Dragon Ball? Très librement adapté d’un célèbre roman chinois, Dragon Ball raconte l'histoire d'un étrange petit garçon doté d'une queue de singe, Son Goku (prononcer gokou), d'une douzaine d'année, qui vit seul dans les montagnes après la mort de son grand-père.
Un jour sa vie paisible va être chamboulée par la venue de Bulma une jeune fille très énergique (énervée/énervante) qui recherche les légendaires "boules de cristal", au nombre de sept, celui qui les réunit pourra invoquer un dragon, Shenron, qui réalisera n'importe quel vœu!
Il se trouve que le seul héritage du grand-père de Son Goku est justement la boule à quatre étoiles!
Une fois la curiosité de sa première rencontre avec une fille (être étrange qui n'a pas de kiki) Son Goku partira avec Bulma à la recherche des autres boules de cristal...
On peut voir dans Dragon Ball le précurseur des shonens tel qu’on les connaît aujourd’hui :
effectivement, tous les poncifs du genre on les doit à Mr Toriyama et son titre devenu culte sur toute la planète !
Il a posé les bases du shonen tel qu’on le connaît maintenant, et depuis peu ont réussi à jouer avec ses codes de façon originale !
Si les stéréotypes des personnages complémentaires on les doit davantage à Saint Seiya et Yuyu Hakusho, tous le reste, de la quête initiatique avec recherche d’artefact, l’évolution des personnages, rencontres d’adversaires de plus en plus puissant dont les premiers deviendront des alliés…
et surtout les tournois ! Sans oublier les transformations, les résurrections de personnages, les entraînements nombreux et l’augmentation de la puissance des héros de façon surréaliste…
Depuis Dragon Ball, tous les shonens orientés combat ont essayés d’avoir leur propre Végéta, mais jamais une opposition entre le personnage principal et son allié/ancien adversaire/opposé n’a été aussi forte et intéressante que celle opposant Goku et Végéta !
Souvent imité, voir plagié, rarement égalé, encore plus rarement dépassé tous les shonens doivent ce qu’ils sont à Dragon Ball, et tous les auteurs de shonen se doivent d’être redevable à Toriyama !
Si au départ Dragon Ball est un titre d’aventure avec quelques combats et beaucoup d’humour, il va très vite évoluer, mais ce qui fait sa force c’est que ces évolutions vont être nombreuses !
On a donc la phase aventure comique avec des personnages très loufoques, très vite un tournoi va arriver, mais on reste dans le comique, par contre on perd le coté aventure, qui reviendra après, mais petit à petit.
L’humour se fait moins présent, Goku perdant peu à peu sa naïveté. Avec l’arc Piccolo, le manga se fait plus grave, la menace est réelle et des personnages très importants perdent la vie… c’est un choc.
Ils sont ressuscités, tout le monde est soulagé ! Par la suite, on perd l’aspect « humain » du titre, la nouvelle menace venant de l’espace, on a alors droit à une grosse phase de combat sans humour ni aventure…
heureusement l’arc Namec est là et on a alors droit au meilleur arc de la série, de l’aventure avec énormément de rebondissements, des alliances et des trahisons à tout va, des retours triomphants, et beaucoup de combats…
et puis quel final !
Par la suite Toriyama va se compliquer les choses avec un personnage venant du futur, l’idée est bonne, elle fait son effet, mais montre vite ses limites… Malgré beaucoup d’allers - retours, on perd tout aspect aventure…
Comment avoir de l’aventure quand les personnages peuvent désormais voler d’un bout à l’autre de la Terre en quelques minutes ?
Cela devient redondant…Le dernier arc essaie de retrouver la magie du début :
tournoi comme quand Goku était jeune, naïveté des nouveaux personnages enfants, qui rappelle celle du petit Goku, semblant d’aventure à travers les dimensions…mais la magie n’est plus la même.
Bien évidemment au bout de 42 tomes il est difficile d’éviter la redondance, mais le problème ne vient pas que de là…
Toriyama en a beaucoup fait et trop vite.
A trop faire évoluer les personnages rapidement, on en arrive vite à devoir trouver des adversaires absolument invincibles si on veut maintenir un semblant de suspens…
Forcément après avoir vaincu le maître de l’univers en devenant un guerrier légendaire qui n’apparaît que tous les 1000 ans, il est difficile de rebondir.
On a donc eu droit à une créature issue des cellules de tous les personnages, mais pouvant se régénérer, comme ça ladite créature est immortelle…
et c’est le problème, les héros on beau la détruire elle se régénère, et la suivante et encore plus immortelle…
Pour remédier à ça, les personnages s’entraînent plus qu’avant, deviennent encore plus forts et se transforment une nouvelle fois…
Autre gros problème : la mort des personnages est censée être un moment fort…
ça l’est au début, mais à force d’être ressuscités, cela n’a plus aucun effet, on sait très bien qu’ils reviendront au volume suivant… et même quand ils ne sont pas ressuscités, c’est pas grave ils ont droit à une permission spéciale des Dieux pour revenir aider leurs amis…
Et c’est vraiment dommage, car avec l’apparition de Gohan, le fils de Goku, Toriyama inscrit la série dans une logique générationnelle, on pense alors à un futur héritage, mais il n’y aura jamais eu le passage de flambeaux auquel tout le monde s’attendait…
Et pourtant, la série possède tant de qualités, à commencer par l’originalité ! Car si maintenant on a l’impression d’avoir vu ça 100 fois, à l’époque ce n’était pas le cas.
Toriyama a su adapter un conte chinois et en faire une œuvre drôle, remplie de bonnes choses.
Ce qui marque c’est que le personnage de Goku va évoluer d’une façon incroyable, et ce qui fait la force du titre c’est qu’il évolue en même temps que le lecteur.
On découvre Goku enfant, naïf, et ne connaissant rien au monde, puis il devient adolescent, se fait des amis qui le suivront pendant des années, il rencontre la femme de sa vie, devient adulte et surtout devient père…
on retrouve le jeune Goku dans son fils Son Gohan… et on repart pour un cycle, désormais Goku est un guide plein d’expérience, qui connaît le monde, c’est alors son fils qui va grandir et découvrir le monde, lui aussi on le verra évoluer, on suivra son adolescence, et lui aussi plus tard deviendra père…
on retrouve l’évolution généalogique qui est certes beaucoup plus poussée dans Jojo, mais Araki, lui-même reconnaîtra l’influence de Dragon Ball dans son travail…
Car c’est un fait, nombreux sont les auteurs qui reconnaissent s’inspirer de Dragon Ball et aucun n’oserait avouer ne pas aimer ce titre, ce serait cracher dans la soupe !
Si le titre est redondant, il faut reconnaître tout le travail de l’auteur tout de même.
Chaque arc à ses défauts, mais aussi de grandes qualités…
quel choc quand des guerriers débarquent de l’espace pour retrouver Goku et lui expliquer ses origines ;
quel choc quand un personnage pouvant se transformer comme Goku débarque du futur;
quel choc quand Végéta dont on était persuadé qu’il avait tiré un trait sur sa rivalité avec Goku, retourne du côté obscur;
quel choc lorsque Goku perd tout contrôle et devient le guerrier de la légende craint à travers tout l’univers ;
quel choc quand on apprend que le petit garçon qu’on a connu et qui faisait tap-tap pour voir si les filles avaient un kiki, est désormais père…
Dragon Ball c’est un titre qui ne peut que nous séduire, et qui obligatoirement va nous faire éprouver de nombreuses émotions…
car c’est là l’essentiel d’un manga, ce qu’on ressent dans la lecture, quel intérêt de lire un titre si on n’y prend pas de plaisir ?
On en ressent obligatoirement en lisant Dragon Ball !

Texte © Manga News

Snowblood


Introduction

Lady Snowblood (修羅雪姫, Shurayuki hime?, littéralement « princesse neige-carnage ») est un manga de Kazuo Koike (scénario) et Kazuo Kamimura (dessins) pré-publié entre 1972 et 1973.
Il a été adapté au cinéma en 1973 et en 1974 par Toshiya Fujita, ainsi qu'en 2001 par Shinsuke Satō dans une adaptation plus libre.
Le titre original, Shurayuki-hime, est un jeu de mot avec le mot Blanche-Neige en japonais :
Shirayuki-hime (白雪姫?, lit. « Princesse Blanche-Neige »), shura (修羅?) signifiant « carnage », et non « blanc ».
Le titre fut traduit en anglais Lady Snowblood selon l'expression shura-no-chimata (修羅の巷?, en anglais « bloodshed », soit « effusion de sang »), et repris en français.

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Résumé

Vers 1870, le Japon institue ce qui sera alors considéré comme un "impôt sur la mort", à savoir la conscription de tous les hommes valides pour créer une armée puissante, symbole des nations fortes.
Face à la rébellion généralisée, les autorités japonaises envoient dans les villages des recruteurs habillés de blanc.
Cette couleur devient alors symbole de mort et provoque des insurrections paysannes.
C’est dans ce contexte que l’époux et le fils de Sayo sont assassinés et la jeune femme emprisonnée.
Par vengeance, elle décide de concevoir et donner naissance à un enfant qui deviendra son bras vengeur.
Malheureusement, elle décédera en couches en donnant la vie à… une fille :
Yuki.
Éduquée par un grand maître du sabre, Yuki suivra sa destinée et deviendra Lady Snowblood, une redoutable tueuse professionnelle dont le charme sera aussi dangereux que le sabre !
Lady Snowblood est le manga culte, mettant en scène une terrible histoire de vengeance mâtinée de combats de sabre, qui a inspiré à Quentin Tarantino l’histoire de « Kill Bill » !!

Texte © Manga News

Monster


Introduction

Monster (モンスター, Monsutā?) est un manga de Naoki Urasawa.
Il a été prépublié dans le magazine Big Comic Original de l'éditeur Shōgakukan entre décembre 1994 et décembre 2001.
Le premier volume relié est paru en juin 1995 au Japon et le 18e et dernier en février 2002.
Une édition Ultimate de neuf tomes est également sortie en 2008, chaque tome reprenant deux tomes de l'ancienne édition avec une nouvelle couverture et un format plus grand.
En France, cette œuvre est publiée aux éditions Kana dans son intégralité dans la collection Big Kana.
L'édition Ultimate est également éditée sous le nom d'édition Intégrale, et les neuf tomes sont disponibles depuis août 2012.
Fort de son succès, le manga a été adapté en un anime de 74 épisodes produit par Madhouse, diffusé au Japon sur NTV entre le 7 avril 2004 et le 28 septembre 2005.
La diffusion de cet anime en France a débuté le 10 février 2006 à 18 h 20 sur Canal+ et s'est finie le 25 mai 2006.
Il était diffusé sur France 4 en 2014.

Texte © Wikipédia

Résumé

1986. Kenzo Tenma est un brillant neurochirurgien pratiquant son art à l'hôpital Eisler de Düsseldorf (Allemagne).
Tenma est comblé, il vient de sauver la vie d'un chanteur d'opéra célèbre...
Promis à la belle Eva Heineman, la fille du directeur de l'hôpital, son avenir est tout tracé. Tout lui sourit...
Jusqu'à la nuit où arrivent deux enfants, Anna et Johann Liebert, dont les parents ont été découverts sauvagement assassinés.
En choisissant de sauver le petit garçon plutôt que le maire de la ville, le docteur perdra tout...
Amour, gloire et honneur laisseront place à solitude, rupture et alcool...
Surtout qu'autour des deux enfants, les morts se multiplient.
Tenma n'aurait-il pas sauvé un MONSTRE?

Critique

Quelle facilité pour un critique de se livrer à l'emploi de tous les superlatifs imaginables pour persuader un lecteur de se lancer dans une série.
Et pourtant... Monster mériterait que l'on s'attarde sur ce procédé, tant justement ce modèle du seinen mérite les louanges.
Excellent, superbe, formidable, inégalable... Mais l'on ne s'en contentera pas.
Il est nécessaire de montrer pourquoi Monster fait office de manga incontournable.
Le synopsis est simple :
en 1986, dans une Allemagne non réunifiée, à Düsseldorf, le docteur Kenzo Tenma, jeune médecin japonais, exerce son art.
Talentueux, beau, généreux, son origine étrangère est malgré tout difficile à porter dans le milieu.
Promis à un brillant avenir, fiancé à Eva Heineman, la fille du directeur de l'hôpital, il voit son destin basculer le jour où il décide de soigner en priorité un jeune garçon atteint d'une balle dans la tête plutôt que le notable admis après l'enfant.
Son histoire d'amour prend l'eau, sa hiérarchie et ses collègues le lâchent mais surtout, le sauvetage de l'enfant donnera naissance à l'un des plus grands tueurs en série qu'ait connu l'Allemagne.
Le docteur Tenma se lancera donc à la recherche du Monster, cet individu qui laisse la mort et le désespoir sur son passage.
L'histoire prend place à différentes époques et dans différents lieux.
Naoki Urasawa sait retranscrire la richesse, la générosité, les vices, de populations et de cultures qui ne sont pas les siennes durant l'ensemble de son manga :
un tour de force pour un auteur étranger que de s'adonner ainsi à une représentation aussi réaliste d'une Europe de l'Est.
Certains passages laissent le lecteur pantois d'admiration : Heidelberg, Prague, Francfort, la frontière entre Allemagne et République Tchèque...
Les environnements et les villes sont reproduits avec un soin admirable.
L'ambiance générale ressortant du manga est épatante.
Avec la richesse des lieux et des époques arrivent logiquement des thèmes divers et passionnants.
Monster fait oeuvre de fiction avec des sujets forts. La base de son scénario, ce sont les expériences menées par les nations communistes sur l'enfance, l'eugénisme, la confrontation des blocs de l'Est et de l'Ouest, l'espionnage, l'administration corrompue, les complots.
Mais c'est aussi la violence sociale, l'enfance en orphelinat, l'enfance battue, l'enfance moquée, les nouveaux phénomènes de mode tels que le suicide organisé, les ruelles malfamées d'une frontière où règnent le sexe et la drogue, les discriminations, le communautarisme, la renaissance des extrémismes.
Tout cela dans un seul manga ? Evidemment, et pas traité de n'importe quelle manière.
Finesse, sagesse : tels sont les maîtres-mots d'Urasawa.
C'est parce que son intrigue – la recherche du Monster, la découverte de son passé et les questionnements des différents personnages – le conduit à explorer différentes facettes qu'Urasawa traite de ces thèmes.
Toujours susciter l'intérêt du lecteur, jamais laisser les choses au hasard.
Urasawa maîtrise son histoire de bout en bout. Et ce ne seront pas les nombreux flash-backs et changements brutaux de situations et de personnages qui déstabiliseront le lecteur, tant ceux-ci sont distillés avec intelligence.
Monster, c'est aussi une galerie de personnages fournie. Si le lecteur averti sait que l'auteur excelle dans le traitement de ses personnages, il faut préciser au profane qu'il a face à lui l'un des mangas où le mot « personnage » prend tout son sens. Qu'on se le tienne pour dit :
Naoki Urasawa est reconnu dans la communauté des scénaristes et dessinateurs de bande dessinée pour savoir donner une âme à ses personnages en quelques chapitres seulement. Un tempérament, un charisme, une identité :
chaque personnage de Monster est unique, comme chaque Homme réel peut l'être.
Tout est naturel.
Les personnages de Monster et leurs relations sont riches, intéressants, attachants, différents. Machiavéliques, excentriques, torturés, meurtris, parfois heureux.
Complexes, c'est certain car expérimentant des émotions tout à fait opposées de tome en tome.
Attention néanmoins à ne pas se leurrer :
thriller et réalisme renvoient nécessairement à des personnages qui souffrent.
Monster n'est pas en soi violent comme peuvent l'être d'autres mangas.
La violence dans Monster, c'est la violence des Hommes :
psychologique ou physique. Ce n'est pas une violence brute et instinctive, gratuite et spectaculaire, jouissive et voyeuriste :
la violence dans Monster illustre un propos. Les personnages ne sont pas des héros de la vie quotidienne, des individus ordinaires qui auraient des révélations.
Ils se défendent comme ils peuvent, comme ils veulent parfois, et ils attaquent parce qu'ils ont leurs raisons.
Les passages de tranches-de-vie sont fréquents, l'auteur permettant à son lecteur de souffler un peu tout en enrichissant son histoire et ses personnages par ce repos salvateur.
Ainsi, des souvenirs impérissables demeureront chez tout lecteur devant le docteur Kenzo Tenma, Nina, Eva Heineman, le commissaire Rünge, Grimmer, Dieter, le docteur Leichwein et tant d'autres encore...
Chacun a son rôle, ses rôles, à jouer dans l'avancement de l'intrigue pour permettre de stopper le Monster.
Graphiquement, le trait de l'auteur est brouillon dans les deux premiers tomes mais cela s'arrange vite.
Son style est reconnaissable et son talent pour les décors est évident.
On s'y croirait tant le trait est fin, tant les lieux sont réalistes, tant les scènes d'action sont dynamiques et le suspens haletant.
Dans Monster, Urasawa jouera avec vos nerfs, avec un récit maîtrisé à la perfection, des retournements de situation inattendus, des sacrifices, beaucoup de surprises.
Si cela pouvait encore vous convaincre, Monster est l'un des mangas les plus primés en cumulant les récompenses des différents festivals spécialisés d'Asie et d'Europe.
Monster se révèle donc comme un des meilleurs mangas tout genre confondu :
tout simplement parce qu'un manga d'une telle richesse, maîtrisé dans tous ses aspects, est rare.

Texte © Manga News